Le soleil ne s'était même pas levé au moment du rendez-vous
Une prairie fleurie propice à la biodiversité
15.06.2024 par ALBB
num.340 juillet-août 2024 p.07
Oiseaux : la journée appartient à ceux qui se lèvent tôt

Quelques personnes motivées, folles diront les autres, se sont retrouvées un matin à 5h30 au Château pour aller observer les oiseaux, accompagnées par Christian Meisser, ornithologue, et deux agriculteurs, Christophe Courtois et Nicolas Baumgartner. Ces passionnés ont su trouver les oiseaux emblématiques des espaces agricoles : alouette des champs, fauvette grisette, pie-grièche écorcheur, tarier pâtre, hirondelles, ou encore faisan de colchide, permettant d’apprécier tant les plumages que les chants.
L’un des objectifs de la balade était de mettre en rapport les mesures agro-écologiques et les oiseaux. A ce sujet, un tournant majeur dans la politique agricole suisse date de 1992 : les accords du GATT (aujourd’hui OMC) ont contraint la Confédération d'adapter son soutien à l'agriculture. Les aides ne pouvaient alors plus seulement subventionner la production indigène, mais devaient encourager des prestations écologiques (légalement appelées les PER). Depuis, il est notamment attendu que 7% des terres agricoles soient principalement dévolues à favoriser la nature. A Genève en 2023, les agriculteurs consacrent plus du double de leurs surfaces (15%) à la mise en place de ces « surfaces de promotion de la biodiversité » (SPB). Ainsi, de réels progrès sont constatés pour la faune depuis 25 ans. Par exemple, lièvres, hérissons et certains oiseaux, qui avaient fortement régressés, profitent de ces haies, des prairies extensives et des jachères comme habitat. La progression de certaines espèces a été mise en évidence grâce à la comparaison des inventaires réalisés en 1997-2001 et en 2016-2019 .
Parmi les SPB, un nouveau type est actuellement proposé aux agriculteurs pour favoriser les oiseaux au cœur des cultures. Il s’agir de semer les céréales en lignes plus espacées, ce qui doit profiter aux alouettes qui nichent au sol. Cette méthode ne péjore pas sensiblement la productivité car les céréales exploitent ensuite l’espace à disposition.
A noter également que les prairies fleuries extensives, attractives pour les papillons notamment, sont fauchées plus tard dans la saison pour trouver un compromis entre production et biodiversité. La qualité nutritive de ce foin est alors moins bonne que celle des herbages cultivés en mode intensif. Cela convient aux chevaux, mais pas aux vaches laitières…
Les échanges ont également permis d’évoquer plus largement la question de la biodiversité. Ainsi, malgré un recul alarmant de cette dernière en Suisse comme ailleurs dans le monde ces dernières décennies, on note qu’une faible part d’espèces sont nettement plus nombreuses aujourd’hui. Outre le cas de certains oiseaux évoqués précédemment, c’est également le cas des ongulés, en particulier les sangliers et les cerfs. Les statistiques de chasse en Suisse reflètent cette situation : le nombre de sangliers tirés est passé de 60 à plus de 15'000 entre 1970 et 2021. Le phénomène est marqué à Genève, tant pour le sanglier que pour le cerf. Ce dernier avait totalement disparu de Suisse il y a un siècle et demi en raison d’une chasse sans restriction. Depuis, mieux protégé, il est petit à petit revenu, y compris dans les Bois de la Versoix il y a quelques décennies. Sa population s'est depuis tellement développée qu’elle est régulée depuis 2023. Car les cultures - toutes clôturées pour les protéger des ongulés - et la forêt sont trop fortement sollicités par le cerf. Paradoxe actuel, ce retour réjouissant du « roi de la forêt » complique singulièrement ses propres déplacements (en raison des clôtures) et le travail des agriculteurs.
Le métier d'agriculteur est de nourrir la population et dépend de la nature. Il faut savoir varier les cultures au fil des ans, chaque plante échangeant différemment avec le sol. Ces complémentarités sont connues et les professionnels savent très bien gérer leurs parcelles afin d'obtenir un bon rendement, étant entendu que le facteur météo peut gâcher la meilleure des organisations.
A la fin de la promenade, les participants ont encore pu observer une colonie d'hirondelles de fenêtre installées dans une grange. Ces oiseaux virevoltaient en chantant, certains couples construisant encore leur nid…
Rencontrer des acteurs du terrain afin de mieux comprendre leur travail et partager leurs préoccupations est une chance. Aux lecteurs d'être attentifs de ne pas rater une prochaine occasion que ce journal ne manquera pas d'annoncer !
 

auteur : Anne Lise Berger-Bapst

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