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13.11.2022 par PL
num.324 déc.2022-janv.2023 p.07
L'araignée (Nosferatu), le vrai du faux.

Si vous pensez que j'ai déjà publié cette araignée, c'est que vous lisez mes articles avec attention, mais parfois l'actualité exige d'insister sur certains sujets et en l'occurence, entre septembre et décembre, c'est la saison où cette araignée est le plus vue.

La voilà, la terrible Zoropsis spinimana dont tous les journaux suisses parlent dernièrement, comme souvent, dans ces articles, il y a des erreurs ou des faits exagérés en les mettant en gros titre comme par exemple "araignée venimeuse trouvéee depuis peu en Suisse" alors déjà, oui 99% des araignées suisses sont venimeuse et Zoropsis a été vue pour la première fois en 1994.  Parlons de son nom qu'on entend souvent, "l'araignée Nosferatu". Il s'agit d'un nom utilisé par les médias, il est sensationnel et semble plaire, il fait référence aux motifs sur son céphalothorax (sa tête) dont certains y verraient la face du vampire du film muet de 1922.


Ce mâle de presque 20mm sans les pattes, a été trouvé en appartement à Versoix en ce début d'octobre. Ce qui est étonnantc'est qu'en deux ans dans cet immeuble, c'est la première fois que je l'observe (en comptant les alentours de mon domicile que je zieute régulièrement). C'est dire, qu'en effet, elle est toujours en expansion.


En expansion, oui, c'est une espèce introduite avec les déplacements humains qui nous vient de l'arc méditerranéen, d'en tout cas deux de nos pays voisins la France et l'Italie. Sa première observation en Suisse date quand même de 1994. Il est probable que sans notre aide, elle aurait un jour colonisé seule la Suisse et la moitié nord de l'Europe, car les températures lui sont favorables, mais il ne s'agit pas de la seule espèce concernée, il y en a plusieurs qui sont moins impressionnantes et qui n'aguichent pas assez pour être publiées dans la presse nationale.
Mais quel impact à sa présence sur nos espèces qui étaient installées là avant son arrivée ? Une araignée de sa taille qui se nourrit d'autres arthropodes errants, on ne peut pas dire qu'elle aie volé la niche écologique d'une de nos espèces, bien que certaines espèces  aie des moeurs similaires.  Zoropsis peut donc attraper d'autres espèces assez grosses qui errent dans nos habitations comme des punaises par exemple, mais aussi des araignées errantes qui ne sont pas forcément prédatrices tels des mâles à la recherche de femelle, comme les tégenaires. Mais aurait-elle un impact sur ces araignées qui était là avant elle ? Difficile à dire.

En tendant l'oreille, on peut entendre des témoignages de personnes qui vivent depuis 20 ans dans la même maison, ils affirment qu'ils ont depuis toujours des mâles errants de tégénaire à l'automne et que depuis l'arrivée de Zoropsis, il disent en avoir moins. Ceci reste des témoignages avec trop de biais qui ne sont pas de réelles preuves, mais une étude sur l'impact de l'espèce sur la faune indigène n'existe actuellement pas et serait certainement très compliqué, c'est le cas pour chaque espèce nouvellement venue. Par contre, on peut plus facilement parler de l'impact qu'a le Frelon asiatique sur les population d'abeilles domestique en ruche par les apiculteurs, mais difficilement par rapport aux abeilles sauvages. (Le Frelon asiatique vient d'un autre continent, on parle d'espèce invasive, mais par pour Zoropsis spinimana car elle vient du même continent et on ne sait pas si elle nuit à nos espèces locales).
Ce qui est sûr c'est que Zoropsis spinimana est désormais présente et continue sa progression, on ne peut pas l'arrêter. Elle fait désormais partie de faune et n'est pas une espèce qu'il faut craindre d'avoir chez soi, elle fait certes partie des seules araignées qui peuvent mordre l'humain, mais les circonstances de morsures sont rares, car elle ne veut pas se nourrir d'un gros humain, ce serait seulement une réaction défensive. La douleur de la morsure semble être d'une intensité allant d'une piqûre moustique à celle d'une guêpe et le venin n'est pas dangereux (à l'instar de toutes les araignées de Suisse). Ensuite étant donné qu'elle semble ne se trouver qu'à proximité de bâtiments et surtout en ville, elle interagit que avec le peu d'espèces qui qui sont habituées aux humains et à leur environnement et qui ne sont pas menacées et ce sont des espèces qui souvent habitent également l'aire d'origine de Zoropsis spinimana (avec une certaines différence en abondance et en assemblage d'espèces), il y règne un équilibre. Selon mon avis, il n'y a pas de réelle menace sur la faune locale. Il faut plutôt garder en tête que le vivant fait partie de nous et de notre environnement, qu'il faut plutôt le préserver notamment en favorisant sa présence dans les milieux naturels ou semi-naturels comme dans les réserves naturelles, les jardins, les parcs, les SPB etc. Si on ne le soutient pas, ça nous reviendra dans la figure car la nature nous rend des services que certaines n'imaginent pas comme la pollinisation, mais également la dynamique des populations d'espèces entres elles, la fertilisation des sols, la décomposition de matière organique (y compris de nos défunts enterrés...) la stabilisation des berges et la perméabilité des sols de rivières (pour éviter les inondations) ou juste le fait de s'aérer la tête en allant se promener dans la nature ou de jeter un oeil par la fenêtre en regardant deux écureuils se courrir après, observer la nidification d'un couple de mésanges dans un nichoir, voir une araignée attraper une mouche dans une toile etc. Le vivant est très précieux !

 

Photo de dos : vue de dos, on peut observer les motifs sur son céphalothorax, utiles dans son identification.
Photo de face : vue de face, on voit ses yeux et ses "gants de boxe" qui nous indique son sexe.

auteur : Pierre Loria

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