23.02.2021 par YR
num.306 mars 2021 p.07
À Cologny, un parti au financement original : la publicité !

À Cologny, un parti au financement original : la publicité !

En février, désoeuvrés que nous étions de l'annulation de la première séance de Conseil municipal de l'année à Versoix, nous nous sommes penchés sur un parti communal situé de l'autre côté du lac : les Hors Partis de Cologny.

En mars 2020, le parti a été confirmé pour 9 des 20 sièges au Conseil municipal et dispose une fois encore d'un élu au Conseil administratif, quant à lui élu tacitement (il y avait autant de candidat-e-s que de sièges à pourvoir, c'est-à-dire 3 de chaque) : Pascal Hornung.

Leur site internet présente une offre intrigante, celle de participer au financement de leurs activité par le biais de "partenariats". En quoi consistent-ils ? Et est-ce légal ?

Des partenariats... publicitaires

Sur la page web dédiée à ces "partenariats", l'on peut lire que ce dispositif est ciblé pour celles et ceux dont « l’engagement des Hors Partis [leur] parle et [qui ont] envie de nous soutenir tout en ayant une visibilité pour [leur] entreprise ». Le paragraphe continue en proposant un lien vers un formulaire de contact, sur lequel les entreprises peuvent « définir » leurs « attentes ».

Plus bas, des logos de marques et de boutiques locales se succèdent : une fumisterie, un atelier spécialisé dans le verre, un fleuriste, ou encore une boutique et restaurent de caviar disposant de plusieurs succursales à Genève et alentours.

Cette page soulève plus de questions qu'elle n'en répond. De quel genre d'attentes et de visibilité parle-t-on ? Sur les murs de la communes ? Dans les discours des politiciens faisant partie des Hors Partis ?

Pour y répondre, nous avons directement contacté le parti avec quelques questions quant aux aspects pratiques et aux conséquences de ces partenariats. C'est Pascal Hornung, le Conseiller administratif et président du parti, qui y a répondu.

Quant à l'usage du terme "partenariat" et les implications éthiques, tout d'abord : « Vous semblez avoir été interpelé par le terme “partenariat” que nous avons utilisé dans nos publications. Sachez qu’il ne s’agit en fait que de mise à disposition d’espaces publicitaires pour des sociétés ou associations et de visibilité que nous proposons sur la commune au travers de nos événements ou journaux. Il n’y a aucune autre contre-partie. Les Hors Partiss sont libres et indépendants dans leurs prises de parole ou décisions et ne subissent aucune influence dans leurs opinions qui pourrait être pilotée par des sociétés ou associations ayant signé un contrat publicitaire avec notre groupement ».

Sur l'usage du terme "partenariat", l'élu poursuit : « Nous avons préféré utiliser le terme “partenariat” plutôt que “sponsoring” puisqu’il s’agit d’un échange de bons procédés: Nous publions sur la commune des tous-ménages ou journaux à environ 2’500 foyers colognotes et offrons ainsi un espace publicitaire local non-négligeable ».

Ces "partenariats" représentent-ils une importante manne financière pour le parti ? « Les dons ou apports publicitaires correspondent à environ 1/3 de notre budget de fonctionnement. », estime M. Hornung.

De 100 à 800 CHF l'encart

La réponse de M. Hornung est accompagnée d'un document présentant une grille tarifaire reproduite ci-contre (entre 100 et 800 CHF par encart, selon sa taille). En première page, il égraine la liste des supports publicitaires : flyer, affiche, bâche et/ou set de table pour la « Fête de la Vigne et du Terroir de Cologny », le journal des Hors Partis dit « Le Nouveau Colognote », le site internet des Hors Partis, ainsi que les comptes sur Twitter et Facebook du parti.

Un chef d'entreprise préférant témoigner anonymement nous a confirmé avoir procédé à l'un de ces partenariats publicitaires, et a confirmé qu'il ne s'agit bien que d'un échange de cette nature : tarif contre exposition publicitaire.

« Pas très orienté publicité » d'ordinaire, ce chef d'entreprise a admis avoir procédé à ce partenariat sur la suggestion d'un proche, lui même membre du parti.

Ce proche lui a présenté le "partenariat" comme une opération où tout le monde est gagnant : le parti y gagne une part de financement, et l'entreprise se fait connaître. Selon le chef d'entreprise interrogé, le membre du parti aurait contribué de sa poche à la somme versée au parti, dans le cadre du partenariat.

La transparence, oui, mais à partir d'une certaine taille !

Une question restait à déterminer : la légalité d'un tel dispositif. Dans leur communication, les autorités fédérales admettent que les « produits de la vente de productions et services » comme financement légitime d'un parti politique. En outre, « dans la plupart des cantons, les partis ne sont pas tenus de dévoiler d’où viennent les dons qu’ils reçoivent ».

Pour préciser cet aspect légal, nous avons pris contact début février avec la Chancellerie d'Etat à Genève. Il s'agit de l'autorité compétente en matière de droits politiques pour le canton. Son service communication nous a répondu de manière concise et directe.

Ce dispositif de partenariat est-il conforme au droit fédéral et cantonal ? « Oui », répond la chancellerie, en renvoyant à une page web de la Confédération rappelant la large marge de manoeuvre en matière de financement dont jouissent les partis politiques en Suisse.

Ces partenariats peuvent-ils pour autant entraîner une forme de corruption ou de clientélisme ? « Il ne revient pas à la chancellerie d'Etat de répondre à cette question qui relève du jugement de valeur politique », avance l'institution.

Est-il correct d'affirmer que les Hors Partis de Cologny, puisque leur commune dispose de moins de 10'000 habitants, ne sont pas tenus de publier leurs comptes annuels aux autorités cantonales ? « Oui », répond encore la Chancellerie, en s'appuyant sur le texte de loi précis (l'art. 29A, alinéa 1 de la LEDP, la Loi genevoise sur l'Exercice des Droits Politiques). La transparence, oui, mais à partir d'une certaine taille !

D'ailleurs, selon la chancellerie, il est possible de consulter ces comptes, mais « uniquement pour les communes de plus de 10'000 habitants pour lesquelles il y a des comptes de campagne ».

Curieux de savoir si la Chancellerie d'Etat et ses services effectuent un contrôle actif sur le financement des partis ou si celui-ci ne revient que de l'ordre du déclaratif de la part de ces mêmes partis, elle affirme que « la chancellerie d'Etat s'assure conformément à l'art. 29A al. 10 que les dispositions à l'art. 29A al. 9 sont respectées et cela uniquement pour les communes de plus de 10'000 habitants conformément à la loi ».

Si ce moyen de financer un parti n'est pas commun, il est clair qu'il permet quelque chose que la loi n'assure pas pour les communes dotées de moins de 10'000 habitants : une forme de transparence, même limitée et biaisée, sur la provenance d'une partie des fonds servant à un parti politique.

Texte : Yann Rieder
Document reproduit ci-contre : Les Hors Partis de Cologny

auteur : Yann Rieder

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