17.11.2020 par YR
num.304 déc. 2020-janv.2021 p.24
Malgré le COVID, la politique locale n'est pas à l'arrêt !

Malgré le COVID, la politique locale n’est pas à l’arrêt !

Qui l’eut cru ! Alors que la première vague pandémique a coupé la chique au Conseil municipal, ce dernier tient bon face à la résurgence des infections constatée depuis la fin du mois d’octobre. Pour le bureau de l’institution, il est question de poursuivre une action politique indispensable. Un avis partagé par les partis qui y siègent.

Malgré les risques inhérents à la tenue de ses séances publiques, malgré son public traditionnellement âgé et donc plus à risque en cas d’infection, et malgré la quasi-absence de renforcement des mesures sanitaires (les recommandations du médecin cantonal n’ont pas changé), le Conseil municipal siège à la salle communale de Lachenal.

Un contexte difficile

La situation pandémique s’est pourtant bien aggravée pour la Suisse depuis le milieu du mois d’octobre, où le nombre de nouveaux cas a parfois doublé de jour en jour. La Romandie est particulièrement affectée : début novembre, l’OMS situait 6 de ses cantons parmi les 10 régions les plus touchées par le Coronavirus en Europe. À la première place de ce triste classement, on trouvait Genève.

C’est dans ce contexte difficile — plus difficile que lors de la première vague pandémique, à en croire les directeurs d’hôpitaux cantonaux — que nous avons contacté les partis ainsi que le bureau du Conseil municipal. Leurs réponses nous sont parvenues entre le début et le milieu du mois de novembre, et reflètent la situation du moment.

Yves Richard : « Le semi-confinement (...) ne signifie nullement la paralysie des institutions »

Nous avons tout d’abord pris contact avec Yves Richard (Verts), président du bureau du municipal versoisien, pour évoquer la situation dans toute sa complexité, et son impact sur le délibératif de la commune.

M. Richard établit tout d’abord que « Les règles qui s’appliquent à la tenue de nos séances politiques prennent en compte les décisions du Conseil fédéral, d’une part, celles de notre Conseil d’Etat d’autre part et enfin celles que nous pouvons prendre au niveau local pour mettre en œuvre ces consignes supérieures. ».

Le président du bureau estime ensuite que le maintien des séances du Conseil municipal, malgré la deuxième vague, se justifie pleinement : « Le semi-confinement a pour but de freiner la transmission virale, en veillant à limiter les échanges sociaux sans « gestes barrières ». Il ne signifie nullement la paralysie des institutions. ». Il ajoute : « Il reste indispensable que l’action politique continue à se déployer, car elle conditionne nombre de décisions importantes, tant pour nos concitoyens que pour notre administration communale ou nos partenaires sociaux et économiques. Par exemple, la décision du récent Conseil municipal de verser bientôt à chaque habitant un bon de 20 francs pour soutenir le commerce local est une mesure qui ne pouvait attendre l’éradication de la pandémie ! ».

Un besoin de siéger qui s’explique aussi par le vote du budget de l’année suivante, qui se déroule habituellement en novembre : Le budget municipal est l’un des dossiers fondamentaux du pouvoir délibératif. De lui dépendent le fonctionnement des services communaux et la mise en œuvre des projets prioritaires. Il est donc pertinent de le discuter, de l’amender si nécessaire et de le valider. Les règles légales nous autorisent à voter ce budget avant la fin de l’année civile, mais compte tenu des délais référendaires, il est justifié de le valider en novembre pour que l’administration puisse fonctionner dès janvier. ».

Le protocole sanitaire a-t-il changé depuis le début de la deuxième vague ? M. Richard parle plutôt d’un accent donné, d’une insistance sur l’application des mesures existantes : « Les consignes que j’ai adressées par écrit dès le 1er novembre aux présidents des commissions mettent clairement l’accent sur les mesures de protection et l’exigence de leur respect. Il en ira de même pour les séances du Conseil municipal, qui se dérouleront dans la stricte obéissance des consignes du service de la médecin cantonale. ».

Au moment de rédiger ces lignes, les consignes du service de la médecin cantonale à destination des délibératifs municipaux n’ont pas changé. Ils sont les mêmes que depuis juillet 2020 — alors que la situation pandémique était nettement moins inquiétante.

L’âge moyen du public se rendant aux séances du Conseil municipal est tout à fait respectable... et respecté. Cette constatation entre-t-elle dans la balance ? Pour M. Richard, la responsabilité n’échoit pas au CM : « il appartient à chacun de faire un choix et d’assumer sa responsabilité individuelle. Personne n’est contraint de venir siéger ou écouter les échanges, s’il y a conflit entre le devoir citoyen et la non-prise de risque sanitaire. Nous mettons tout en œuvre pour que les réunions se déroulent avec les meilleures conditions de prudence possibles. ».

Quelques jours après avoir formulé cette première réponse, les autorités communales ont finalement choisi de limiter le public accepté à 5 personnes. Interrogé sur la question de l’accès à toutes et tous de ces débats cruciaux pour la vie publique, M. Richard commente : « L’actuelle restriction de réunion à plus de 5 personnes n’est évidemment pas satisfaisante pour permettre un véritable accès au public. Il s’agit là de circonstances extraordinaires avec lesquelles nous devons compter. Bien sûr, ces restrictions mettent à mal le principe de publicité des débats, et c’est regrettable. Ce n’est naturellement pas la volonté des autorités communales qui est en cause, mais bien le contexte qui nous est imposé. ». Au moment de rédiger ces lignes, une diffusion (audio ou vidéo) de la séance du Conseil municipal de fin novembre n'a pas été tranchée.

Toujours dans le sens d’une meilleure publicité des débats, la mise en place d’une solution de retransmission des séances est-elle envisageable après la crise, pour permettre à chacun d'y avoir accès de chez soi ? Cette question soulève peu d’intérêt chez le président du bureau du CM : « La mise en œuvre d’un dispositif technique de retransmission des séances en temps ordinaire ne me paraît pas indispensable, ni la taille de la commune, ni ses finances ne justifiant une dépense et des moyens humains importants. Quoi qu’il en soit, ce serait une analyse partagée entre le Conseil municipal et le Conseil administratif qui devrait être menée pour envisager une telle opération. »

Les retrouvailles dans les partis

Aux quatre partis disposant d’élus sur les bancs du Conseil municipal de Versoix — le PS, le PLR, le PDC et les Verts — nous avons posé quelques questions afin de mesurer leur satisfaction avec les dispositions prises autour de la tenue de ces séances, mais aussi sur la continuité de leur tâche de parti en temps de crise : mobiliser leur base électorale lors de scrutins importants, argumenter en faveur de leurs opinions, organiser leurs réunions internes périodique. Leurs (co-)présidents nous ont répondu.

Entre le déconfinement de mai et le semi-reconfinement de novembre, leurs évènements ont-ils connu un succès équivalent à ceux tenus par le passé ? Au PDC, selon Gilles Chappatte, « nous avons vécu avec bonheur le fait de pouvoir se retrouver, se parler, argumenter, développer nos idées. Après le premier confinement, ces séances se faisaient véritablement le sourire au lèvres avec ce plaisir tout particulier que nous avions de nous revoir… ». Des retrouvailles heureuses également au PLR, pour Julien Marquis : « Nous avons organisé le 30 juin une assemblée générale en plein air qui fut un magnifique succès, marquant un renouveau au PLR de Versoix. »

Le parti des Verts a organisé quelques évènements politiques, d’après Mme Laure Speziali et M. Gil Pinto-Pereira : « Nous avons organisé fin août notre assemblée générale, avec de nombreux participants, puis un stand au marché en septembre en lien avec les votations. Au marché, la fréquentation était équivalente à la période pré-COVID. Nous n’avons pas mis sur pied d’autres événements en raison de la situation sanitaire. »

Peu de nouveaux évènements sur l’agenda

Outre les séances du Conseil municipal, les partis de Versoix ont-ils prévu d’organiser de nouveaux évènements publics lors du deuxième semi-confinement ? Étant donné que seules des réunions présentielles qui servent à communiquer une prise de position lors de votations populaires sont encore permises, le PLR se retrouve sans marge de manoeuvre : « nous n’avons plus la possibilité d’organiser de réunions politiques : nous tenons nos réunions du groupe des conseillers municipaux ou nos séances de bureau et de comité à distance par visioconférence. ».

Même réponse ou presque, au PDC : « Nous allons continuer à nous retrouver lors de séances de travail préparatoires aux séances des commissions et du CM, mais de manière virtuelle autant que possible, ou semi-virtuelle (certains présents d’autres en vidéoprésence). Nous avons déjà expérimenté ce type de séances avec succès. »

Les Verts, eux, comptent bien profiter de cette exception : « Nous souhaitons tenir un stand près du marché le 14 novembre pour présenter notre position sur les sujets de votation du 29 novembre. Il nous semble en effet important d’être présents. Il va de soi que cet événement n’aura lieu que s’il est compatible avec les mesures sanitaires en vigueur au moment de sa tenue. »

Des exceptions jugées nécessaires

Comment les restrictions décidées par le Conseil Fédéral et le Conseil d’Etat s’appliquant à la vie politique communale sont-elles reçues par les partis ? Au PDC, le signal est positif, même si le parti regrette l’étendue des dispositions prises au delà du monde politique : « Nous pensons que les institutions doivent continuer de fonctionner, même en mode dégradé si nécessaire, et que ces exceptions sont les bienvenues. Bien que nous ne voulons ni commenter ni critiquer les décisions prises par les autorités, ne disposant pas du même niveau d’information, nous regrettons toutefois la fermeture des petits commerces, qui à Versoix représente tout particulièrement un coup très, très dur à encaisser. (...) ».

Les deux co-présidents Verts ne voient pas rouge non plus : « Ces exceptions nous semblent nécessaires pour assurer la continuité de la vie politique et le fonctionnement des instances communales. Elles ne sont pas contre-productives, si elles sont organisées conformément aux mesures sanitaires. ».

Enfin, le PLR n’a pas directement répondu à cette question, renvoyant à sa précédente réponse sur la tenue en visioconférence de son comité.

Seuls les Verts souhaitent dès aujourd'hui la visioconférence

Dans le contexte d'état de nécessité, les partis sont-ils satisfait du maintien in situ des séances du Conseil municipal ? Les représentants des Verts disent oui, mais souhaiteraient que la transmission en visioconférence soit possible : « Les séances du Conseil municipal ont été déplacées à Lachenal pour disposer de plus de place, tandis que les commissions siègent toujours à la Maison du Charron, la salle étant assez grande en proportion du nombre de participants. Toutefois, des mesures supplémentaires sont venues se rajouter (port du masque obligatoire tout au long des commissions, aération de la pièce) à celles déjà en place. Malgré cela, il est pertinent de se pencher sur la faisabilité de donner à celles et ceux qui le souhaitent, la possibilité de suivre ces séances par visioconférence. Que ce soient par rapport à eux, à leurs proches ou à leur sensibilité. ».

Pour le PLR, M. Marquis affiche une confiance sereine dans le dispositif, éprouvé en début de législature : « Je ne vois pas de raison à ce que les séances du Conseil municipal et de ses commissions ne puissent pas avoir lieu tant que le droit supérieur le permet. Le Conseil municipal se réunit dans une grande salle, à Lachenal, et les règles de sécurité sont respectées scrupuleusement (distance, masques, désinfectant, etc.). »

Relancé sur la question d’une diffusion ou même d’une tenue en visioconférence de la séance ordinaire du Conseil municipal, M. Marquis précise la position de son parti : « L’organisation des séances plénières de parlements ou conseils municipaux à distance est complexe techniquement et coûteuse, pour satisfaire à diverses exigences (sécurité des données, diffusion en direct sur Internet, etc.).

En l’état, ce procédé est effectivement envisageable, mais pas obligatoire. A ce stade donc, moyennant un strict respect des règles de sécurité sanitaire (distance, masques portés en permanence, désinfection, etc.) dans une vaste salle bien ventilée, comme celle de Lachenal, l’organisation des séances du Conseil municipal peut donc, de l’avis du PLR, continuer. On sait en effet que dans de telles circonstances, le risque de contamination est extrêmement faible. En outre, la situation actuelle étant amenée à perdurer, il est important que les institutions puissent continuer à fonctionner, notamment pour des raisons démocratiques. Evidemment, en cas d’adoption par la Confédération ou le canton de nouvelles prescriptions, la commune s’y pliera. »

S’il souhaite une minimisation des risques, le fonctionnement des institutions in situ est prioritaire pour Gilles Chappatte (PDC) : « Sous réserve du plus strict respect des règles, j’estime indispensable de continuer à faire fonctionner les institutions et les organes de gouvernance politiques en présentiel. La qualité des échanges notamment dans les commissions, même affublé du masque, reste essentielle à la gestion de Versoix. Il est important également de montrer aux citoyens que les élus du peuple que nous sommes continuent à assumer leur rôle avec responsabilité et engagement. Pour le reste, il s’agit bien entendu de réduire les risques au strict minimum en renonçant à toute une série de contacts, d’échanges présentiels etc… et à privilégier l’usage du téléphone et de la vidéo pour les activités de préparation de ces séances. »

Le PS sonne l’alarme devant « la paupérisation » causée par la crise

Le Parti socialiste, par les mots d’Antoine Droin, n’a pas directement répondu à nos questions. M. Droin a préféré rappeler l’importance des consignes sanitaires, et de leur application systématique : « Respect des distances (anti) sociales, port du masque, lavage et désinfection des mains et des espaces occupés, aération des locaux et restriction de rassemblement de personnes dans les espaces publics et privés. Le PS promeut et applique autant que faire se peut les consignes. Nous n’avons donc pas de jugement à porter sur ces éléments de lutte contre la pandémie. ».

M. Droin précise que son parti se préoccupe plutôt des conséquences sociales du COVID : « l’augmentation du chômage inéluctable, les mises en faillite d’entreprises en cours et à venir. La paupérisation qui va augmentant de la part des personnes déjà fragilisées et de la classe moyenne qui s’appauvrit. ».

Regrettant l’angle des questions portées à son attention dans le cadre de cet article, M. Droin conclut : « Tout le reste est donc superfétatoire et nous trouvons très dommage de ne cibler que la politique de la commune de Versoix alors que le journal a une portée bien plus large. ».

Texte et photo : Yann Rieder

auteur : Yann Rieder

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