15.09.2020 par YR
num.301 septembre 2020 p.12
Édito politique : après eux, le déluge ?


Au terme des élections de ce printemps, de nouvelles majorités se sont formées à Versoix. Le Conseil administratif est désormais de centre-gauche. Le Conseil municipal doit faire avec une vigoureuse poussée des Verts, perturbant les équilibres de jadis.

Cette nouvelle émulsion sera à l'oeuvre lors du premier Conseil municipal, mi-septembre, dont nous vous rendrons compte lors de notre prochain numéro.

Projetons-nous en avant. Loin en avant. Quand les citoyens retourneront aux urnes en 2025, quels choix pourront-ils faire ? Retourner à une majorité de centre-droit, qui — au vu du vote de ce printemps — ne semble pas les avoir comblés ? Ou confirmer voire amplifier le centre-gauche, si celui-ci arrive à convaincre le long du mandat tout juste accordé ?

Dans une commune où, lors du grand débat précédant les élections, même l'UDC et le MCG de Versoix se sont trouvés peu de différences de vues avec les autres partis communaux, la question de l'offre politique se pose.

L'heure du bilan n'a jamais sonné

Consternant, ce débat l'était en bien des points. Les conditions de son organisation restent à éclaircir, notamment autour de la personne sélectionnée pour le modérer : Denis Palma, un journaliste de Léman Bleu ; chaîne avec laquelle la commune était en relation commerciale quelques mois encore avant le débat, dans le cadre d'un partenariat vertement critiqué par l'OFCOM, pour non-respect de la loi sur la radio-télévision. La chose n'a pas été évoquée par le journaliste, ni par la chaîne, ni par la commune.

Rappelons aussi l'impossibilité pour le public de questionner les élus — qui n'a pas manqué de laisser sur sa faim ledit public.

Rétrospectivement, le plus grand raté de ce débat était l'absence totale de questions sur le bilan de la précédente majorité du Conseil municipal, et du Conseil administratif alors (pour deux de ses trois membres) en quête d'une réélection ou (pour le dernier de ses trois membres) en quête d'un remplacement par un poulain de son parti — le PLR Jean-Marc Leiser, pour ne pas le nommer.

Ne pas consacrer un temps, même limité, pour revenir sur l'action et l'inaction des élu-e-s revient à placer l'élection dans un contexte ahistorique, presque apolitique, comme si le scrutin se déroulait pour la première fois dans la commune. Aucun maire, aucun Conseil municipal n'aurait précédé celui qui s'installera selon les votes des versoisien-ne-s. Les sortants seraient des nouveaux-nés, libérés de leurs responsabilités, de leurs réussites et de leurs échecs, des sources de joie et des polémiques qui ont marqué cinq années pourtant remplies de rebondissements.

Qui n'en a pas voulu ? Le journaliste de Léman Bleu a-t-il considéré que la question du bilan n'était pas importante ? Ou était-ce une condition sine qua non émanent des autorités ? Des partis ? De certain-e-s politicien-ne-s bien en vue ? Comme indiqué plus haut, la lumière devra être faite à ce sujet, tant il rend exponentiellement plus perplexe lors qu'on prend le temps d'y réfléchir.

Mais voilà : ce débat, sans aspérités, sans bilan, très consensuel, a eu lieu. L'élection aussi. Et dans cinq ans, une autre élection.

Une classe politique avançant d'un seul bloc

À ce moment-là, quel choix s'offrira aux électeurs, toutes et tous plus sages de cinq années ?

Si tous les partis — même les plus extrêmes au plan cantonal ou national — tombent régulièrement d'accord (en tout cas, en plein débat électoral et lors des séances publiques du Conseil municipal), et que l'expression démocratique se déroule dans un cadre où l'évaluation critique, pesée, pondérée du travail accompli par les élus est obstruée par, au strict meilleur des cas, une auto-censure peu digne de la profession qu'un journaliste prétend exercer, il devient alors légitime de se demander pourquoi l'on s'embarrasse à organiser des élections.

À Versoix, il y a cette culture du consensus — apparent, tout au moins, puisque les commissions sont interdites au public et à la presse. Consensus qui englobe même les plus petits des partis. Il y a aussi, à Versoix, un nombre extrêmement limité de garde-fous, de médias indépendants, de structures chargées de remplir une forme de quatrième pouvoir, de « checks and balances » face à une classe politique communale avançant, visiblement, d'un seul bloc.

Alors, après eux : le déluge ?

Texte : Yann Rieder

auteur : Yann Rieder

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