15.04.2020 par JG
num.298 mai 2020 p.04
Violence conjugale: effet collatéral du confinement

Tandis que les mesures de confinement se multiplient à travers le monde de nombreux problèmes sociaux sont exacerbés. Les impératifs sanitaires contraignent à resserrer les liens sur la cellule familiale, qui peut elle aussi devenir source de danger. De nombreux pays recensent notamment une hausse des cas de violence conjugale.

Les statistiques

Le confinement a bouleversé les habitudes de vie de plus de 3 milliards de personnes à travers le monde. Les mesures sont plus ou moins strictes en fonction des pays, mais dans tous les cas le message est clair : Restez chez vous! Cette injonction a resserré les liens sociaux des individus sur leur domicile et, malheureusement, cela s’est traduit par une augmentation des cas de violence conjugale. Plusieurs pays ont vu ce phénomène se refléter dans leurs statistiques. En France, le journal le Monde a rapporté une augmentation de 30% des cas signalés de violence conjugale après seulement une semaine de confinement, fin mars. En Espagne, d’après le New York Times, on observe une augmentation de 18% pendant les deux premières semaines de confinement, en comparaison avec le mois précédent.

Ce phénomène était prévisible. Les cas de violence augmentent systématiquement dès que les familles sont amenées à passer plus de temps ensemble. Cela se remarque dans des périodes comme celle des fêtes de fin d’années. Mais pendant un confinement, l’esprit n’est pas vraiment à la fête et ce phénomène en est d’autant plus accru. La promiscuité imposée par une telle mesure accentue un climat déjà anxiogène. Dans un article du Temps paru le 24 mars 2020, les propos inquiets des membres des forces de l’ordre étaient relayés quant à l’évolution de la situation en Suisse. Il est encore trop tôt pour analyser les chiffres, mais la situation sur notre territoire semble moins problématique de par le caractère partiel du confinement.

Dans tous les cas, c’est un problème global comme le rappelle le secrétaire général de l’ONU, Antonio Guterres, en se saisissant de la question. Même si les mesures de confinement sont essentielles pour endiguer la pandémie, il appelle aux gouvernements afin d’agir et de protéger les personnes qui se trouveraient confinées avec un partenaire violent.


Les mesures prises pour lutter contre ce phénomène

A la suite de l’appel urgent d’Antonio Guterres, diverses mesures ont été mises en place. En Europe, l’Italie a été le premier pays à s’isoler dans un strict confinement pour ralentir la hausse drastique de nouveaux cas. Les abris et les associations où pouvaient se rendre les femmes victimes de violences domestiques ont dû fermer pour éviter le risque de contamination. Le gouvernement a alors instauré un système de réquisition de chambres d’hôtel afin d’offrir aux victimes un abri provisoire pour passer la quarantaine en sécurité.

En France aussi, les chambres vacantes se transforment en abris anti-violence. Au vu de l’énorme hausse des violences observées dans ce pays, un code d’alerte dans les pharmacies a été mis en place pour permettre une intervention en urgence des forces de l’ordre. Les victimes qui sortent acheter des médicaments, avec ou sans leur(e) conjoint(e), peuvent alerter le pharmacien par le biai d’un code (par exemple: “masque19”). L’Espagne a également adopté ce dispositif dans les points encore accessibles durant le confinement.

En Grande-Bretagne, les autorités n’ont pas mis en place de mesures spécifiques, rappelant que des lignes téléphoniques et des applications de smartphones existent déjà. Toutefois, après le constat inquiétant d’une augmentation de 20% des plaintes pour violence domestique en seulement une semaine de confinement, des groupes citoyens ont décidé d’écrire une lettre ouverte au gouvernement demandant des actions concrètes.

En Suisse, le confinement n’étant pas total, la police recommande de sortir s’aérer un peu l’esprit lorsque l’on sent la situation domestique se tendre, tout en respectant les distances sociales à l’extérieur. Le Bureau de l’égalité et de la prévention des violences à Genève (BPEV) rappelle que les lignes téléphoniques et les services d’urgences sont toujours en place. La police est prête à intervenir comme d’habitude si une victime appel à l’aide. Colette Fry, la directrice de BPEV, explique : «Tout le réseau est mobilisé: les services d’aide ambulatoire et de soutien psychosocial sont atteignables, les consultations se faisant par téléphone, et les foyers sont ouverts. Les victimes peuvent évidemment quitter précipitamment le domicile, soit le lieu de confinement, pour demander de l’aide depuis l’extérieur.» La directrice rappelle aussi le rôle essentiel et la responsabilité des témoins, voisins, proches, pour dénoncer les violences lorsqu’il y a des soupçons.

Si vous êtes témoin contactez la police ou la ligne d’écoute cantonale en matière de violence domestique qui répond 24h/24 au 0840 110 110.

Laura Morales Vega et Julie Gobert 

auteur : Julie Gobert

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