23.11.2016 par YR
num.264 déc.2016-janvier p.07
Enquête : TéléVersoix, entre conflit d'intérêts et fantasmes

Dans son édition du 27 octobre 2016, le quotidien Le Courrier rapporte le licenciement du (futur ancien) chargé de communication de Versoix ; licenciement faisant déjà l’objet d’une contestation en justice. Toujours selon Le Courrier, le mail adressé à l’employé communal par la maire Ornella Enhas (PS) - au nom du Conseil administratif - fait état de «graves dysfonctionnements opérationnels» et que «ses activités accessoires entrent en contradiction avec ses devoirs professionnels».

En effet, étant journaliste pour TéléVersoix depuis 12 ans (jusqu’à devenir directeur de la station en 2014) et employé à la communication de la commune depuis 4 ans, ses multiples casquettes semblent pour le moins contradictoires. Pire encore : il a modéré le débat électoral des élections municipales de 2015.

On appelle ça un «conflit d’intérêts»

Il n’y a pas d’autres mots. Ce n’est pas la première fois que la commune est placée dans une situation délicate avec ses collaborateurs, mais dans ce cas précis, il n’y a pas d’autres façon d’en parler : c’est un conflit d’intérêts.

Qu’un employé communal à la communication (!) soit également journaliste (puis directeur) d’une chaîne qui affirme que son traitement de l’actualité versoisienne se fait en toute indépendance pose, au minimum, un sérieux problème de logique.

De même, qu’un journaliste modère le débat opposant ses actuels et potentiels futurs employeurs relève, purement et simplement, du conflit d’intérêts. Le respect de la déontologie par toutes les parties concernées, employé comme élus, est de facto mise en question.

Paranoïa budgétaire

Là où l’article du Courrier pêche, c’est dans son analyse du budget 2017. Dans celui-ci, le quotidien rouge relève que «La ligne budgétaire attribuée jusque-là à TéléVersoix est désormais intitulée «Médias audiovisuels». D’où le soupçon que l’exécutif ne souhaite plus subventionner la chaîne. Pour l’une de nos sources, la mairie règle ainsi ses comptes avec TéléVersoix.»

Suivant la même dynamique, un billet du blog de TéléVersoix, publié le 14 novembre 2016, puis hâtivement supprimé du site internet de la chaîne quelques jours plus tard, puis enfin remis en ligne il y a peu, accuse : «la subvention de la commune de Versoix accordée à TéléVersoix a diminué d’un quart cette année sans que la chaîne n’en ait été informée (…) malgré plusieurs demandes (…). Cette subvention 2016 n’a finalement été versée qu’après trois mois de retard ».

Or, à bien regarder le budget et les comptes des années 2015 à 2017, la fameuse «subvention 2016» n’est absolument pas une subvention, mais fait partie des frais de communication de la commune, qui a effectivement décidé d’y dépenser pour 30’000 CHF en 2016 au lieu de 50’000 CHF en 2015. Dans la même catégorie «communication», on retrouve par ailleurs l’achat d’espaces dans Versoix Région (le mensuel actuellement sous vos yeux), ainsi que le financement du site internet de la commune.

Faisons une précision sémantique importante : le concept même de subvention suppose qu’il n’y a pas de contrepartie. On ne peut comparer l’achat de fenêtres publicitaires à une subvention, quand bien même «l’acheteur» est un organisme public et que cet achat permet la pérennité du «vendeur».

Pourtant, il y a bien une subvention à TéléVersoix dans le budget ! Rangée dans les «encouragements à la culture», celle-ci a augmenté à l’occasion du budget 2016 (de 8’600 CHF à 14’800 CHF) et est maintenue dans le budget 2017. Elle y est codée 30.000.331.05.

Au nom de la loi !

Quant au nouveau nom de la ligne budgétaire rassemblant les frais de communication dépensés «sur» TéléVersoix, Cédric Miche, l’élu PLR et président de la commission culture et communication à Versoix, nous a expliqué que ce changement est causé par «l'entrée en vigueur au 1er juillet dernier de la nouvelle loi fédérale sur la radio-télédiffusion (LRTV)». La raison ? «Cette loi met en cause le financement des télévisions soutenues majoritairement par les pouvoirs publics, indépendamment du financement par la redevance.»

M. Miche est confiant, tout en restant prudent : «La ligne au budget maintient l'enveloppe financière pour une prestation de télévision locale, qui pourrait être attribuée pour tout ou partie de 2017 à TéléVersoix, pour autant que la prestation soit conforme à la nouvelle LRTV et que la commission dispose des documents demandés pour valider une prestation clairement conventionnée avec la Mairie».

En bref, si un indéniable conflit d’intérêts a existé durant plusieurs années, il ne semble pas évident de lier l’effacement du nom «TéléVersoix» d’une partie du budget aux mesures prises pour mettre fin à ce problème. Quand le brouillard est épais, prudence !

Texte : Yann Rieder

auteur : Yann Rieder

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