13.02.2024 par MAF
num.336 mars 2024 p.07
Hommage à Guillaume Bichet

Cher Guillaume Bichet, c’est avec une grande tristesse que je rédige cet hommage. Vous vous en êtes allé mardi 30 janvier. Vous aviez 37 ans et c’était bien trop tôt.

Votre vie a commencé à Bordeaux mais votre enfance s’est déroulée entre Tahiti, l’Alsace et la région parisienne. Vous n’aimiez pas l’école et rêviez de devenir chocolatier-pâtissier. L’aventure commence à Limoge, vous y faites votre apprentissage et vous vous rapprochez de la frontière helvète, un peu par hasard. Vous commencez à travailler en Suisse dans le restaurant étoilé de Peney puis auprès du grand chocolatier Frédéric Ducret. C’est à cette époque que vous rencontrez Elodie, votre épouse. Vous êtes « the love of her life » et de ce coup de foudre naîtra un petit Axel ainsi qu’un partenariat solide et ambitieux. Elodie, qui a elle aussi suivi un cursus dans le milieu de la chocolaterie, vend avec d’autant plus d’ardeur les produits qu’elle aime. Cela tombe bien, elle est une grande admiratrice de votre travail et reconnait vos gâteaux « les yeux fermés parmi tant d’autres ».

Vous voyez loin ensemble. Vous formez une équipe unie et en 2011, vous décidez de vous installer en reprenant la confiserie de la Fontaine à Coppet. Le temps des « piaules de 9m2 » n’est plus qu’un lointain souvenir. Le succès est fulgurant. Aujourd’hui, « 9 », c’est le nombre de boutiques que vous avez ouvertes dans différentes villes de Suisse. La Suisse, ce pays que vous aimiez tant, jusque dans ses traditions gourmandes, puisque les meringues à la crème de Gruyère étaient votre dessert préféré ! Ce succès, Monsieur Bichet, est amplement mérité. Vous avez ravi avec talent, tant nos papilles que nos pupilles.

La recette de votre réussite réside certainement dans votre rigueur et votre travail acharné (il vous arrivait de travailler jusqu’à quinze heures par jour). Vous étiez persévérant et minutieux. Lors de la conception d’une pâtisserie par exemple, vous cherchiez à atteindre l’équilibre parfait entre acidité, sucre et sel. Vous vous remettiez perpétuellement en question. Vous aviez mille idées. Et, surtout, vous étiez passionné. Je me permets donc de partager avec vous, Cher Guillaume Bichet, cette citation de Chamfort qui, si elle n’efface évidemment pas les regrets éternels, donne peut-être un semblant de sens à votre départ prématuré : « Les raisonnables ont duré, les passionnés ont vécu ».

C’est ici en Terre Sainte, à l’église St-Robert que s’achève le voyage. Sachez que vous étiez aimé et très admiré. Les centaines de personnes présentes à votre enterrement l’attestent. Les adieux, qui se sont déroulés au son du mélancolique Paradis Blanc de Michel Berger, furent aussi beaux que déchirants. Des bouquets de fleurs par dizaines vous ont été offerts et de nombreux dons ont été faits pour les causes qui vous tenaient à cœur : le Centre Anjaranay ainsi que l’association CétaMada. Nous espérons d’ailleurs qu’aujourd’hui, vous avez retrouvé vos baleines adorées. Le corbillard s’est éloigné sous le regard déconcerté de vos proches et de vos employés, si tristes dans leurs vestes de travail noires. Silence perplexe. Puis des applaudissements ont éclaté. Vous vous en êtes allé Monsieur Bichet. Et nous sommes restés de longues minutes à acclamer votre œuvre.

Au nom des habitants de Versoix et de toute cette région chère à votre cœur, je vous adresse un dernier MERCI. Merci pour les étoiles que vous avez parsemées dans nos vies. Merci pour les étoiles qui ont égayé nos assiettes et illuminé nos yeux. Les lettres qui composent votre nom continueront de briller fièrement au-dessus de vos boutiques. Cher Guillaume Bichet, je laisse maintenant le mot de la fin à Galilée : « J’ai trop aimé les étoiles pour avoir peur de la nuit ».
Manon Frésard

 

auteur : Manon Frésard

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