15.10.2023 par MG
num.333 novembre 2023 p.13
Centrales, électricité et CERN


Maintenant que le CERN a reçu la visite de deux conseillers fédéraux, Alain Berset et Ignacio Cassis, de nombreuses personnes plus s'intéresser aux recherches qui y sont menées, y compris sur le nouveau Pôle pour la technologie quantique. Il est probable que très peu de gens comprennent à quoi correspond cette théorie et comment elle est essentielle à la création et à l'utilisation d'ordinateurs quantiques. Ceux-ci peuvent s'attaquer à des problèmes très complexes d'une manière qui dépasse les autres.
Le CERN, qui sert principalement à construire des accélérateurs de particules de plus en plus grands, a besoin de quantités considérables d'électricité, dont la plus grande partie est obtenue en France. Cependant, même en Suisse, le gouvernement fédéral tente déjà d'étudier quels seront les besoins en énergie cet hiver et comment y répondre.

Nous sommes encouragés à être aussi économes que possible dans nos maisons en minimisant l'utilisation (éteindre les lumières, ainsi que les équipements qui utilisent fréquemment de l'électricité en mode veille), recharger les batteries des voitures électriques pendant la nuit, etc. Certains voudront peut-être savoir qui sont les principaux consommateurs d'électricité : les bureaux, les transports, voire certaines des grandes "fermes informatiques", parfois intensément utilisées pour effectuer les calculs de "data mining" nécessaires à la production de bitcoins.

La technologie des centrales électriques qui fournissent l'énergie est au cœur de l'utilisation de cette dernière. En Suisse, on emploie beaucoup l'eau des barrages hydroélectriques, ainsi que l'énergie solaire et éolienne. Toutefois l'utilisation traditionnelle des combustibles fossiles est encore très répandue. Outre l'utilisation du charbon, du gaz et du pétrole, il y a les centrales nucléaires. Le pays en possède quelques-unes.
Certains partis politiques souhaitent non seulement les maintenir en activité, mais aussi en construire de nouvelles. La France en possède de nombreuses, dont certaines sont très proches de nos frontières, et prévoit également d'en bâtir d'autres. Le combustible de ces centrales est l'uranium, qui doit être extrait du sol et reste radioactif pendant une bonne partie de notre vie.

Quelle est la place du CERN (Centre européen pour la recherche nucléaire) dans ce contexte ?
Malgré le mot "nucléaire", cette recherche n'a rien à voir avec la fission nucléaire : son utilisation pour la technologie actuelle des centrales nucléaires et la production de bombes atomiques !

Revenons quelques années en arrière, à l'époque où le prix Nobel Carlo Rubbia était directeur général du CERN. Lui et d'autres s'intéressaient à la production d'énergie sans le sous-produit des déchets radioactifs, dont la seule possibilité d'élimination est de les enterrer profondément dans un trou, de les couvrir et d'espérer qu'au cours des milliers d'années pendant lesquelles ils resteront radioactifs, ils ne remonteront pas à la surface.
L'idée de Rubbia était d'utiliser un accélérateur de particules pour générer les neutrons nécessaires au fonctionnement d'un réacteur nucléaire en utilisant du thorium au lieu de l'uranium. À l'époque, cette idée n'a suscité que très peu d'intérêt, mais la prise de conscience récente de la nécessité de disposer de moyens "propres" pour produire de l'électricité a modifié nos besoins.

En 2020, cependant, le sujet prend de l'importance, si bien que, comme le rapporte le site web swissinfo.ch, Rubbia prend contact avec Federico Carminati, un scientifique nucléaire travaillant au CERN, afin de concrétiser ses idées. Cette collaboration a donné naissance à une start-up appelée Transmutex SA, basée à Genève. Son site indique que l'objectif est d'utiliser une combinaison innovante d'accélérateurs de particules et de combustibles basés sur des déchets radioactifs existants à longue durée de vie afin de créer un processus énergétique révolutionnaire qui sera intrinsèquement sûr, réduira le stock de déchets à longue durée de vie, résistera à la prolifération militaire et sera compétitif en termes de coûts.

De telles idées pour créer des centrales de fusion nucléaire similaires, parfois appelées Tokamaks, sont activement développées dans de nombreux pays. Selon swissinfo.ch
"Des travaux sont en cours dans plusieurs pays pour rendre les réacteurs nucléaires plus compacts, simples et sûrs, tout en était moins chers. Le président américain Joe Biden a affecté 2,5 milliards de dollars à la recherche et à la démonstration industrielle de réacteurs avancés, tandis que TerraPower, une société fondée par Bill Gates, est prête à construire la première des centaines de centrales nucléaires miniatures au sodium. En Chine, les premiers réacteurs nucléaires alimentés au thorium entreront bientôt en service, mais ils utilisent une technologie différente de celle de Transmutex".

Bien sûr, les méthodes actuelles de production d'énergie électrique utilisant le charbon, le pétrole ou le gaz comme matières premières, sont très rentables pour leurs pays producteurs, et bien sûr pour certaines entreprises très puissantes, dont beaucoup ont vu leurs profits augmenter sans cesse malgré le désir louable de laisser ces matières premières dans la terre. Elles illustrent la théorie de la persistance de la technologie établie, et ne sont donc pas toujours heureuses de voir apparaître une nouvelle méthode qui pourrait les affecter dans un avenir proche !
Il est également évident que, pour des raisons financières, de nombreux pays en développement ne disposent actuellement d'aucune alternative réelle à la gamme actuelle de centrales électriques. De plus, les principaux pays producteurs et vendeurs de charbon, de gaz et de pétrole peuvent manipuler leurs prix en fonction de la situation de leurs clients.
Peut-être que les idées originales du CERN pourraient, un jour, déboucher sur une gamme de centrales électriques "propres" et accessibles !

auteur : Mike Gérard

<< retour