13.03.2022 par SSP
num.317 avril 2022 p.03
La Boîte de Poutine

La guerre terrible qui s’est abattue non loin nous afflige. Il semble que l’humanité retombe toujours dans les mêmes pièges, que malgré deux guerres mondiales et tout le travail qui s’en est suivi, de mémoire, de construction, d’union, des forces aveugles continuent de faire barrage à la paix. Mais cette guerre-ci semble au contraire marquer un tournant : malgré les abstentions suspectes de quelques pays aux résolutions de l’ONU, il semble qu’un changement de paradigme profond est à l’œuvre.

La mythologie grecque, dont la misogynie n’est plus à démontrer, a concentré dans le mythe de Pandore tout une gamme d’interdictions, dont la transgression déboucherait sur les pires maux : la curiosité, l’ouverture, la confiance, et on pourrait y ajouter leur corollaire : la parole. En ces temps reculés, la guerre et la violence étaient protectrices et créatrices de vie par l'acquisition de nouvelles terres. Alors, le silence était une protection, la curiosité un très vilain défaut, la présence d’une femme, un facteur de faiblesse.

Poutine supplante Pandore dans son rôle de catalyseur des catastrophes. En ouvrant la boîte de la guerre, il a libéré à la fois la peur, la violence, l’exode, la mort, mais aussi le racisme et la discrimination qui surgissent sous des formes particulièrement abjectes. Désormais, ce sont la parole (et pas seulement la parole agréable), l’ouverture, la curiosité pour une information fiable, qui sont au cœur de la création et la protection de la vie contre l’agression, et contre la violence dont le rôle ne peut définitivement plus être créateur, mais au mieux protecteur à l’instar des volontaires qui se sont engagés dans le corps de légion internationale.

Le changement est profond et puissant, et s'il se confirme c'est une forme de renversement de civilisation qui est à l'œuvre. La quasi-unanimité étatique contre la guerre en Ukraine – ou tout du moins le non-alignement avec la politique de Vladimir Poutine - est le résultat d'une interdépendance économique mondiale complexe. Ceci étant dit, et même si nous le devons à l'intérêt économique, ce résultat valide les efforts de celles et ceux qui s’engagent depuis la nuit des temps en faveur d’une reconnaissance de la valeur de la construction et de l’union pour protéger la vie, contre la violence. Cette aspiration est au cœur de tant de mouvements, depuis tant de siècles. Aujourd'hui les courants qui la portent s'appellent le féminisme, l’écologie, la lutte anti-raciste, l’aspiration à plus d’égalité économique et sociale, les philosophies religieuses ou non. L’espoir est bien sorti de la boîte de Poutine, il est peut-être plus fort que jamais.

auteur : Sarah Schmid-Perez

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