04.04.2011 par ro
num.200 juil. 2010 p.06
Deux Versoisiens s' expriment à propos de l' armée suisse 2

Notre Armée

J’ai donné 30 ans de ma vie à mon pays comme Conseiller municipal, Conseiller administratif, député et Conseiller d’Etat. Mais j’ai aussi passé 1475 jours à l’armée, de soldat jusqu’au grade de lieutenant colonel commandant du bataillon d’aéroport 1 de Genève. Je ne tire aucune vanité de ce passé de patriote : à 69 ans, je revendique juste le droit de parler de mes convictions en me référant à mon vécu.

Pourquoi une Armée ?
Le peuple suisse s’est donné une Constitution. Il a confié à l’Armée la mission d’assurer la défense de son territoire et la liberté de ses habitants. L’Armée est donc en Suisse l’armée du peuple. De manière constante et depuis toujours, il y a les trois quarts des citoyens de ce pays qui la jugent nécessaire. Un sondage de mai 2010 est une nouvelle fois venu confirmer la permanence de ce point de vue. Et dans une démocratie, ce n’est pas celui qui paye qui décide (sic) mais c’est la majorité.

Une Armée pour faire quoi ?
C’est le pouvoir politique – et donc le peuple – qui donne à l’Armée ses missionsq. Ce sont en priorité des missions de sécurité. La Confédération sécurise par exemple à l’aide de ses forces aériennes son espace aérien et contribue ainsi à la stabilité de l’Europe. C’est pourquoi le remplacement partiel de nos Tigers est indispensable.

Le pouvoir politique se montre maintenant hésitant en termes de missions parce que la menace évolue de manière beaucoup plus imprévisible, et que personne ne sait clairement de quoi le moyen et le long terme seront faits. Or, l’adaptation d’une structure comme l’Armée prend du temps. Beaucoup de temps. Les tergiversations du pouvoir politique sont donc réellement néfastes.

Une Armée à tout faire ?
Ce qu’une armée sait faire, c’est combattre, défendre, attaquer, surveiller, garder, sauver.
Ses missions ne peuvent donc pas être « n’importe quoi ».
Ainsi la lutte contre le terrorisme est avant tout affaire de police. Ainsi le contre espionnage est aussi bien l’affaire de l’économie, des douanes, de la police que de l’armée. Les communications ne sauraient être l’apanage que d’une partie seulement des structures du pays. Qui peut penser que l’armée a quelque chose à voir avec la lutte contre les maffias, ce fléau de notre société ? La guerre électronique et informatique, à l’évidence, ne touche pas qu’un seul secteur de la vie publique.
L’Armée, en tant que moyen de défense militaire, doit en priorité connaître à fond son terrain, entraîner ses actions d’engagements potentiels, exercer sans relâche son commandement, évaluer en permanence l’évolution de la situation géopolitique et militaire.
Le sauvetage en cas de catastrophes, le secours à des populations en état critique, c’est quelque chose que l’armée sait faire avec une rare efficacité.
Le maintien de la paix dans des pays où une force d’interposition est nécessaire, en particulier sous l’égide de l’ONU, c’est quelque chose que l’armée sait faire d’excellente manière.
Ces divers engagements concrets ou potentiels prêchent selon moi en faveur d’un regroupement dans un seul département fédéral de toutes les instances qui touchent à la sécurité et à la sauvegarde des personnes et des biens.

Une Armée plus grosse, plus petite, moins coûteuse, différente ?
Tout dépend des missions que le pouvoir politique lui confie. Si l’on s’en tient à sa mission basique de défense du pays, je pense que l’Armée peut sans doute se rationaliser, mais guère maigrir encore. On peut, dans une certaine mesure seulement, remplacer des hommes par du matériel. Mais il est certain que le recours accru à des moyens de technologie avancée coûte tout aussi cher sinon plus.
Le recours à une armée de métier ? Ce serait une grave erreur. En Suisse, l’Armée est l’armée du peuple, une armée de milice : ce serait donc totalement nuisible pour notre pays de renoncer à l’obligation de servir. Ce qui ne veut pas dire qu’il ne faut pas chercher des voies complémentaires à ce principe, ce qui d’ailleurs se fait déjà, et depuis longtemps.
Et une coordination accrue doit être cherchée avec la Protection civile car nombre d’engagements potentiels sont plus ou moins communs.

L’Armée, partenaire de l’économie, bienfait social ?
A l’époque, mon employeur m’a partiellement salarié pendant tous mes services d’avancement militaire, à la condition que je revienne travailler pour lui ensuite. Apprenti, je suis devenu vice-directeur de ma compagnie d’assurances ! Pas par hasard. J’avais, aussi à l’armée, appris et exercé l’art du commandement, comment conduire et motiver du personnel, comment apprécier une situation, comment prendre une décision, la formuler, passer des ordres, en contrôler l’exécution. A l’armée, j’ai appris la solidarité vraie, la résistance au stress, à la fatigue, la maîtrise de soi. Ce qu’il faut approfondir aujourd’hui, c’est donner à cette formation militaire une reconnaissance civile par l’obtention d’un papier (diplôme, master, certificat, peu importe). Pour consacrer l’interaction évidente entre militaire et civil. L’économie doit profiter de la formation militaire et l’armée doit se rapprocher beaucoup plus de l’économie. Ce sera un progrès important.

 

L’Armée, un simple ramassis de patriotes ?
Non : un contexte unique, irremplaçable dans un pays comme le nôtre, où se côtoient des hommes de langues, de cultures, de provenances géographiques, de niveaux sociaux différents. Un creuset dont la Suisse ne peut pas se passer, c’est ma conviction. Quant à savoir si elle favorise des comportements critiquables, c’est comme si on voulait fermer l’Université sous prétexte qu’il y a des étudiants qui se droguent …

En conclusion : la menace évolue de manière toujours plus imprévisible, l’Armée doit s’adapter, mais c’est le pouvoir politique qui donne les missions : qu’il le fasse. Sur le principe, notre Armée doit rester une armée de milice, l’obligation de servir est le garant de cette armée de milice. Elle doit enfin disposer des moyens lui permettant d’accomplir les missions reçues.
C’est en somme assez simple. Mais ce genre de challenge demande du courage politique. Ca devrait se trouver.

Gérard Ramseyer, a. Maire de Versoix, pour « Versoix Info ».

auteur : rédacteur occasionnel

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