04.04.2011 par LM
num.200 juil. 2010 p.05
La petite ville dans la prairie

Cette année, le service des espaces verts de la commune fera du favoritisme: il appliquera un traitement différent aux surfaces enherbées selon leur situation. Eclairage sur l'entretien différencié.

2010, année de la biodiversité, entend-on un peu partout. À Versoix, ce slogan n'est pas tombé dans l'oreille d'un sourd. Le service des espaces verts a en effet décidé d'adopter une nouvelle technique d'entretien des surfaces qu'il gère, et ceci afin de rendre plus naturels les endroits où pousse de la verdure. Cela peut paraître paradoxal, mais le gazon, s'il est mal entretenu, est source de pollution. Que ce soit par une mauvaise gestion du compostage une fois la tonte effectuée ou par l'utilisation de pesticides, cet élément sauvage au milieu du béton peut s'avérer néfaste, sans compter la gêne occasionée par le bruit des machines utilisées pour l'entretien.

"Moins de tondeuse, moins de gaz, moins de bruit"
Le nouveau mode de gestion pourrait se résumer par ces trois avantages, que relève M. Armand-Ugon, chef du service de la voirie et de l’environnement, responsable des espaces verts. Le principe est simple: la norme du jardin à l'anglaise - soit ce gazon idéal au teint vivace et à la texture homogène - est abandonnée et chaque zone se voit attribuée un type de gazon selon l'usage qui en est fait. On distingue ainsi les lieux de passage ou de délassement des champs dont le pied humain ne foule que rarement l'herbe. Une fois cette répartition réalisée, la gestion s'effectue selon la catégorie du lieu. On passe alors d'un entretien très régulier à un état proche du naturel où les tondeuses ne travaillent que deux fois par an. Une même surface peut également être entretenue de manière différente sur certaines parcelles.

Des prairies à ravir les animaux
Cette méthode permet de favoriser l'épanouissement de la flore locale et offre aux animaux des lieux de vie ou de passage. La biodiversité est ainsi développée et le sol y trouve aussi son compte, puisqu'on renonce, dans la mesure du possible, à l'utilisation d'engrais. Pour le badaud en promenade, cela aura des conséquences: à la place d'étendues d'herbe verte et rase, il pourra bientôt laisser courir son regard sur les coquelicots et autres fleurs sauvages, encore rares en ville. Réfrénons toutefois ces élans bucoliques: la prairie fleurie, suite logique d'un gazon diversifié, met cinq ans à supplanter le gazon homogène. Mais les Versoisiens profiteront déjà cette année des ébauches de ce nouveau paysage. En effet, le service des espaces verts a exporté de la “prairie d'Ecogia” - une espèce purement versoisienne! - à différents endroits de la commune, dont Ami-Argand; ce qui devrait accélérer le processus. Les écoliers reconnaîtront donc bientôt la végétation de leurs expéditions à l'aqueduc romain devant leur préau.

Travail de répertoriage
Le but de cette expérience est de répertorier et d'attribuer une fonction à toutes les parcelles communales enherbées. Evidemment, cette renaturalisation ne convient pas à n'importe quel endroit. Monsieur Armand-Ugon avertit en effet qu'on ne verra jamais de prairie à la plage de Port-Choiseul. Le lieu est si fréquenté qu'il ne serait pas envisageable de laisser le gazon suivre son évolution; la tonte répétée s'impose dans ce cas-là. Il explique en outre que, ailleurs dans la commune, de nombreuses bandes d'herbe ne seront tondues qu'à deux reprises cette année afin de parsemer le paysage de gazon non standardisé et d'éveiller la curiosité et l'intérêt des habitants. Il espère ainsi que chacun se familiarisera avec ces espaces plus sauvages et apprendra à les respecter. En effet, si des soins y sont moins souvent appliqués, ils seront tout de même entretenus à un moment donné et les détritus ou autres déjections canines ne seraient que peu agréables pour les employés de la voirie. L'initiative de cette année consiste donc à une sensibilisation de la population à cette technique et à ses avantages.

Un mouvement global
Ce mode de traitement des espaces verts existe depuis les années 1980 et a rapidement gagné les villes de Bâle et de Lausanne. Genève s'y est mise à son tour, notamment dans le parc des Eaux-Vives. Cet engouement est dû à la fois à un effet de mode lié à l'écologie et à une nouvelle vision de l'aménagement en ville, mais également aux économies financières qui résultent d'une telle pratique. Toutefois, le temps gagné sur les réductions du nombre de tonte doit pouvoir servir à mettre l'accent sur le traîtement et l'entretien qui, si l'on désire renoncer aux engrais - comme c'est le cas à Ecogia -, nécessitent davantage de soins, et donc de temps. Versoix s'inscrit ainsi dans un large mouvement auquel adhèrent de plus en plus de communes. Une démarche qui privilégie l'attention portée aux surfaces enherbées plutôt que l'apparence prototypique du gazon.

auteur : Lisa Mazzone

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