01.10.2020 par PAD
num.303 novembre 2020 p.15 Les héros du Tour (film)
Le tour automatique est donc une pièce maîtresse, un emblème de l'industrie qui a "fleuri" naturellement dans les régions horlogères. Dans le Jura, à Moutier en particulier, des entreprises se sont développées aussi bien pour fabriquer des pièces d'horlogerie que pour construire ces machines-outils dont la renommée est encore d'actualité.
 Le film retrace le destin, souvent semblable, des machines et des hommes avec une justesse de ton remarquable : six protagonistes fraîchement mis à la retraite pour raison économique ont entrepris de restaurer un tour, bénévolement, afin de lutter contre l’oubli et le désoeuvrement forcé. Ils participent ainsi à la transmission de leur savoir-faire en collaborant avec de jeunes apprentis et au patrimoine économique et industriel, comme le montre admirablement ce film de Bertrand Theubet. On y apprend la concurrence entre les entreprises Tornos, Bechler et Petermann, l’évolution du tour automatique depuis la fin du XIXe siècle, détrôné aujourd’hui par les machines à commande numérique. A travers le parcours et les compétences diverses des six protagonistes, tous anciens employés chez Tornos, on découvre aussi une aventure humaine, l’histoire du travail en usine et l’évolution des apprentissages. Autrefois, les apprentis mécaniciens passaient neuf mois à la lime pour apprendre à "limer plat" un bloc de métal; c'est maintenant trois mois grâce aux machines. Ils étaient 3000 ouvriers à l’époque dans ces 3 entreprises, il n’en reste actuellement que 300 dans la seule entreprise survivante. L’une d’elle avait pour devise « Mens agitat molem » qui peut se traduire par « L’esprit modifie la matière ». A travers les récits de Walti, on prend également conscience du rayonnement de cette industrie helvétique dans le monde, particulièrement en Asie. Cette histoire filmée ainsi que le tour restauré, viennent naturellement ajouter une touche patrimoniale au Musée du Tour automatique et d’histoire de Moutier fondé en 1996, qui présente 140 ans d’histoire industrielle et une centaine de machines de décolletage restaurées et entretenues par des bénévoles. Un musée unique en son genre en Suisse et en Europe. Vivant à Versoix, mais originaire de Porrentruy, Bertrand Theubet avait donc de bonnes raisons d'approcher ces Héros du Tour qui font l’histoire du Jura et qu’il a suivi pendant plusieurs années. C’était la première projection en-dehors du Jura (actuellement près de 1’500 spectateurs) et la distribution se poursuit (Bienne, La Chaux-de-Fonds, etc.). Comme réalisateur indépendant à la RTS, il a réalisé de nombreux documentaires dont "Un roi à Versoix" en 2000 et "Fric, Afrique et Sida" en 2002. Merci à CinéVersoix et à Marc Houvet de nous avoir offert le plaisir de cette rencontre avec Bertrand Theubet et un trio parmi les six protagonistes authentiques de ce film étonnant qui mériterait d'être largement diffusé dans toutes les écoles pour valoriser le travail manuel, les arts et métiers et tous ces artisans, ouvriers et ouvrières, à qui l’on doit une grande partie de la prospérité du pays. Avec la technologie actuelle chacun peut devenir réalisateur d'un petit film, mais on ne saurait clore cet article sans envoyer un grand coup de chapeau à ceux qui ont ouvert la voie avec de longs métrages : à Bertrand Theubet bien-sûr mais également à d’autres réalisateurs ayant vécu à Versoix, dont : Cédric Herbez, Yves Pouliquen, Pierre Naftule, Laurent Graenicher, Carmen Jaquier, Laura Cazador (Houvet), pour n’en citer que quelques-uns et quelques-unes dans un ordre plus ou moins chronologique, qui sont déjà passé à CinéVersoix. auteur : Pierre Dupanloup
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