30.06.2020 par JG
num.298 mai 2020 p.05
Souvenirs sous le drapeau de la Croix-Rouge

Marcel A.Boisard, versoisien de pure souche, nous livre un puissant témoignage de ces dix années dans le monde arabo-musulman. En tant que délégué pour le Comité International de la Croix-Rouge les missions qu’il a réalisées dans des zones de conflits ont été périlleuses mais surtout enrichissantes pour cet aventurier de l’humanitaire.

Avec son ouvrage Marcel A. Boisard nous emmène au Yémen, en Algérie, en Egypte, en Jordanie et en Israël; au cœur des conflits, à la recherche des disparus, en visite aux prisonniers de guerre.
« A travers ce petit livre, mon intention est de présenter une ode à une institution dans son ancienne expression et un éloge à ces délégués d’alors » explique Monsieur Boisard.

Durant ce confinement, les interviews se réinventent et c’est très gentiment que Monsieur Boisard a accepté de répondre à quelques questions envoyées par mail pour respecter les mesures sanitaires.

Pouvez-vous résumer vos principales missions en tant que délégué ? Quel est votre rôle au sein du CICR ?
Ce furent 5 missions très différentes. En Algérie, j’étais un jeune assistant dans une mission de recherche de disparus et de visites aux « harkis », Algériens qui avaient combattus dans les rangs de l’armée française. Au Yémen, j’étais le chef de la délégation à Sanaa. Le pays avait été fermé à toute influence étrangère pendant des siècles. Le droit humanitaire était inconnu. Il a fallu visiter à pieds, à dos de mulets ou de chameaux, à travers de hautes montagnes et des déserts, des chefs de tribus détenant des prisonniers et négocier leur libération. C’était physiquement très dur. Après la « Guerre des Six-jours », en juin 1967, je fus le chef de la délégation en Egypte. Ce fut une mission complète, à savoir veiller à l’application des Conventions de Genève, qui protègent ceux qui ne participent plus ou pas aux hostilités : blessés, prisonniers et populations civiles. Les négociations avec les diplomates et hauts gradés des armées, égyptiens et israéliens, furent nombreuses et délicates. Des visites dans les territoires occupés du Sinaï et de Gaza se faisaient en coordination avec les délégués à Tel Aviv. En 1970, lors de « Septembre noir » en Jordanie, ma mission initiale était de négocier la libération de passagers pris en otages lors de détournements d’avions. De violents combats entre le trône hachémite et les Palestiniens éclatèrent alors que j’arrivais sur place. Ce genre de conflit fut le plus dangereux, car il était civil, donc interne, et urbain. Il a fallu improviser les moyens de porter secours aux très nombreux blessés et de ravitailler certains quartiers de la ville. Enfin, en octobre 1973, la surprenante traversée du Canal de Suez par les troupes égyptiennes déclencha la Guerre du Ramadan ou du Kippur. Les combats furent très intenses, mais brefs, l’ONU ayant imposé un cessez-le-feu. Ma mission fut essentiellement de recenser les prisonniers de guerre et d’organiser le rapatriement simultané de centaines d’officiers et soldats par un pont aérien Swissair exceptionnel entre Le Caire et Tel Aviv.

Qu'est-ce qui vous a poussé à partir lors de votre première mission ? Quels sentiments vous animaient ?
L’envie de voyager. Celle de prêter secours est venue ultérieurement.

Le monde semble aujourd'hui faire face à de nombreuses crises, comment imaginer-vous l'avenir de l'action humanitaire ?
A mes yeux l’avenir est sombre. Les chefs d’Etats, eux-mêmes, ne respectent plus le droit international public. Comment convaincre les belligérants d’appliquer sa partie humanitaire ?

Quelles sont, selon vous, les qualités nécessaires pour être un bon délégué ?
Persévérance, souplesse et compassion.

Persévérant Marcel A.Boisard l’a été, poursuivant ses missions sous le drapeau blanc à croix rouge pendant dix années et continuant d’apporter sa pierre à l’édifice complexe des relations internationales au sein de l’ONU, gravissant les échelons de la hiérarchie jusqu’au poste de Sous-secrétaire général. Et partageant aujourd’hui ces mémoires dans Aventurier de l’humanitaire.
Ses souvenirs de délégué sont teintés des horreurs de la guerre, de situations politiques compliquées et de désastres humanitaires pour les populations civiles. Toutefois, au gré des rencontres, une lueur d’espoir persévère elle aussi.
« Il m’a parlé et m’a remis un emblème et un message Son sourire du fond de son âme et un rayon chaleureux m’inondent le cœur d’espérance. » Ainsi témoigne un prisonnier du conflit israélo-arabe détenu au Caire à qui le délégué a rendu visite et qui a pu être libéré et rapatrié. De quoi encourager l’action humanitaire à se poursuivre.


Le livre est disponible à la libraire Payot de Genève : Marcel A.Boisard :Aventurier de l’humanitaire
Paris, Editions du Panthéon 2019, 164 pages.

auteur : Julie Gobert

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