15.03.2020 par YR
num.296 mars 2020 p.06
Communales 2020 : L'envers du décor des listes versoisiennes

Oui, les élections approchent ! Les 15 mars et 5 avril prochains, les versoisiens donneront leur vision de l’avenir politique de leur commune. Dans l’urne, ils glisseront des listes. Versoix Région les a analysées, et a posé quelques questions au personnel politique local. En deux mots : qui, et pourquoi ?

Élections communales ? De quoi s’agit-il ?

Tous les cinq ans, la population majeure et établie à Genève depuis plus de 8 ans se prononce sur sa représentation exécutive (Conseil administratif) et législative (Conseil municipal) : ce cortège d’élus se répartissent de nombreuses tâches, parmi lesquelles : diriger la commune, en décider les règles et les lois, en approuver les projets et les dépenses, etc.

La législature qui s’achève a été marquée par l’arrivée d’une socialiste au Conseil administratif (une surprise, au vu du poids du PS à Versoix) et par l’élection d’un Conseil municipal à majorité de centre-droit, faisant la part belle au PLR (10 membres, avant l’exclusion de M. Sudan) et au PDC (6 membres).

En tout, 27 places sont à pourvoir au Conseil municipal, et 3 sièges sont à remplir au Conseil administratif. À vos bulletins !

Le partenariat PLR-PDC tient bon

En consultant l’ensemble des documents relatifs aux prochaines élections, un élément saute au yeux : le seul apparentement de liste a été scellé entre le PLR et le PDC. Autrement dit, voter pour l’un des deux partis de l’Entente augmente également le nombre de voix perçues par l’autre. Tous comptes faits, cela peut déboucher sur un ou plusieurs sièges supplémentaires à droite et au centre.

Nous avons contacté le PLR et le PDC afin d’en apprendre plus sur ce partenariat qui tient bon, et ce malgré les infidélités du PDC dans plusieurs autres communes genevoises. Pour le PDC Versoix, « Chaque commune a son propre ADN et Versoix ne fait pas exception. L’Entente y fonctionne bien et nous avons mis en place des mécanismes de collaboration que nous actionnons régulièrement. Nous nous entendons sur une majorité de domaines et nous restons ouverts aux propositions des autres partis, dans un esprit de collaboration et de respect pour le bien communal. »

Le PDC présente deux candidats au CA

Autre élément particulièrement frappant : le PLR, pourtant populaire à Versoix, n’a présenté qu’un seul candidat au Conseil municipal, contrairement à son petit frère PDC qui en présente deux. Il s’agit de Jean-Marc Leiser (PLR), candidat malheureux au même poste cinq ans plus tôt. Côté PDC, le maire Cédric Lambert est de retour — une valeur sûre pour le parti du centre. Gilles Chappatte, particulièrement actif lors des séances du Conseil municipal, ferme la marche de la liste PDC.

Un seul candidat au PLR, donc. Et la question se pose : après sa défaite au second tour par 62 voix en mai 2015, le parti joue-t-il cette élection stratégiquement, suivant le seul but d’élire M. Leiser ? Le PLR Versoix ne voit pas les choses de cette façon : « Le PLR de Versoix a décidé il y a près d’une année, en assemblée générale, de ne présenter qu’un seul et excellent candidat pour les trois sièges à pourvoir, en tenant compte de l’équilibre politique actuel à Versoix. En effet, le PLR a été heureux d’obtenir 10 sièges sur 27 en 2015. Il a enregistré l’arrivée de Mme Ornella Enhas (PS) au Conseil administratif, soutenue à l’époque également par les Verts. L’objectif du PLR est ainsi d’assurer en 2020 une certaine stabilité des autorités de Versoix, gage de succès pour une bonne gestion. Il se concentre par conséquent sur l’élection de M. Jean-Marc Leiser au poste ouvert par le départ du magistrat PLR sortant, M. Patrick Malek-Asghar, après 17 ans d’action à la tête de la commune. »

Un PLR modéré, bon joueur, selon les mots choisis par le parti lui-même. Une retenue qui ne trouve toutefois pas d’équivalent dans sa liste au Conseil municipal, étant donné que le parti y propose quatre candidats de plus que son nombre actuel d’élus.

Au sujet du nombre de candidats PDC au Conseil administratif, le parti l’explique ainsi : « Le PLR a effectivement choisi de ne présenter qu’un seul candidat. Au PDC nous avons la chance de pouvoir proposer deux candidats de valeur, et nous avons décidé de jouer cette carte afin de donner toutes les chances au centre-droit de disposer d’un maximum de sièges à l’exécutif ». Autrement dit, éviter un pont d’or à la gauche.

Un PDC plus écolo ?

Au Conseil municipal, le PDC ne prend pas de risque : il propose 8 candidats, où messieurs Lambert et Chappatte, sont positionnés en tête de liste. Même danse au PLR, où M. Miche figure au sommet d’une liste composée de 13 candidats. Près de la moitié des candidats de l’Entente sont des élus se représentant. La large majorité sont des hommes : seulement une femme côté PDC, contre trois côté PLR.

Il y a quelques mois, les élus municipaux du PDC se sont partagés sur la question écologique : fallait-il, ou ne fallait-il pas ouvrir une commission ad hoc sur l’urgence climatique ? M. Chappatte est de ceux qui ont voté pour. Aujourd’hui, il est numéro deux des listes PDC. Est-ce le symbole d’un virage écolo au PDC ? Selon lui : « Il est bon et sain d’avoir un débat démocratique, et on peut se réjouir que le PDC y soit très ouvert. Il pratique en son sein une grande liberté de parole et d’opinions. Nous ne suivons pas une ligne imposée et nous pouvons nous exprimer, quel que soit l’enjeu ».

M. Chappatte renchérit : « Nous assumerons encore plus notre positionnement qui a permis récemment la création de la commission ad hoc urgence climatique, la recherche d’alternatives au projet cantonal de décharge de déchets toxiques, (...). Je relève avec plaisir que nous avons su faire adhérer l’ensemble des partis presque à chaque fois à ces démarches. Notre liste, mais aussi notre programme, reprennent logiquement ce positionnement. »

Pierre Maudet ? Connaît pas !

Tourmenté à Genève lors des élections fédérales de la fin d’année 2019, le PLR anticipe-t-il de perdre des sièges à ce scrutin communal ? L’ombre de l’affaire Maudet plane toujours en Romandie, et le nom de Patrick Malek-Asghar, Conseiller administratif PLR Versoix sortant, y a été cité il y a peu. Dans La Tribune de Genève du 14 janvier dernier, on y lit que M. Malek-Asghar a « un droit de regard » sur le Cercle Fazy-Favon et ses finances, par lequel Manotel serait passé pour, y affirme-t-on, contribuer discrètement au financement des campagnes de messieurs Maudet et Longchamp. Droit de regard corroboré par l’avocat de M. Maudet, Grégoire Mangeat, dans une interview avec le même média, le 6 septembre 2019.

Questionné à ce sujet, le PLR Versoix a indiqué que « Les candidats en lice à Versoix ne sont donc pas concernés de près ou de loin par les péripéties du PLR cantonal. Le bilan à Versoix de la législature écoulée, ainsi que les bonnes idées proposées pour l’avenir, prenant en compte les principes du développement durable, militent pour un maintien voire un renforcement de la présence du PLR Versoix au sein du Conseil municipal », insistant sur l’idée que « sont issus du terreau local de Versoix, notamment associatif, et ils n’ont pas de mandats cantonaux significatifs ».

Cependant, sur le site internet du PLR Versoix, on y apprend (lors de notre consultation au 12 février 2020) que M. Leiser « a siégé plusieurs années au sein du comité directeur du parti Radical puis du PLR genevois et possède un réseau précieux tant au niveau régional que cantonal ». Selon la RTS (RTS Info, 14 janvier 2020), un des “versements Manotel” aurait eu lieu en août 2013. M. Leiser, lui, était déjà au comité directeur du parti genevois en 2012, avant d’y être réélu en mai 2013. M. Leiser — candidat proéminent du PLR à Versoix — n’est donc pas aussi déconnecté de la vie interne du PLR genevois que le PLR Versoix voudrait le laisser entendre.

Il est crucial de préciser que la piste s'arrête ici : à notre connaissance, rien n'implique M. Leiser dans l'affaire Maudet. Les deux hommes ont toutefois tous les deux tenu un rôle significatif vis-à-vis du PLR cantonal, durant la période où Manotel aurait effectué ces versements.

Gauche uniquement disponible en pièces détachées

À gauche, les partis font bande à part ! Pas d’apparentement, pas de candidat unique au Conseil administratif… Le Parti Socialiste et les Verts approchent le premier tour dos à dos, plutôt que main dans la main. Au PS, c’est Ornella Enhas, ayant atterri à l’exécutif après un second tour qui lui a été favorable de très, très peu, qui se présente.

Contacté par nos soins, le responsable de la campagne 2020 au PS Versoix, Patrice Marro, croit dans les chances de Mme Enhas. Pour lui, l’élection au CA est plus une question de personne qu’une question d’étiquette politique. Un raisonnement qui lui permet de faire sens de la défaite de M. Leiser (PLR) au même poste, cinq ans plus tôt, face à une candidate pour qui les voix des électeurs de gauche n’auraient pas suffit : selon lui, Mme Enhas « n’a pas été élue par les voix socialistes ».

Après un mandat à partager la tête de la commune, Mme Enhas aurait donc fait ses preuves, et pourrait rempiler. Cependant, dans l’idéal de M. Marro, la candidature de l’élue socialiste aurait beaucoup à gagner d’un premier tour où aucun candidat ne passerait la rampe. De là à supposer qu’il redoute un duel PS / Verts, il n’y a qu’un pas.

Du côté des Verts, le choix de la candidature unique a aussi été fait. Mais en lieu et place de M. Kummer, annoncé dans ce rôle quelques mois plus tôt, c’est Mme. Tchamkerten qui se présente finalement au Conseil administratif. Pourquoi un tel remplacement ? Le principal intéressé nous a informé qu’il a dû se désister pour des raisons de santé, « mes médecins m’interdisant tout stress ».

Les Verts : paritaires, mais pas ici

Au Municipal, les listes sont plus étoffées. Les Verts proposent 11 candidats (3 de plus que le PDC), contre 6 sur la liste PS. Comme pour les partis de l’Entente, le PS et les Verts ont hissé leur candidates au CA à la tête de leur liste au CM : de quoi leur assurer un siège en cas de déroute. Les nouvelles têtes sont nombreuses côté Verts (8 candidats ne faisant pas partie de la législature 2015-2020), contre seulement 2 côté PS. Enfin, la parité n’est pas encore une règle : 33% de femmes au PS, contre 36% chez les Verts — à peine mieux. Toutefois, exception faite du MCG (50/50, sur une liste de… deux candidats), les Verts présentent la liste la plus proche de la parité.

Cette question est d’autant plus pertinente lorsque l’on parle des Verts, qui se targuent (au niveau cantonal comme à l’échelon national) d’être les plus actifs en la matière. Mme Tchamkerten a donné l’éclairage suivant quant à cette situation quelque peu paradoxale : « En premier lieu, il faut relever que nous regrettons que la parité n'ait pu être atteinte au sein de notre liste. Les circonstances dans lesquelles notre liste a été établie, ont été influencées par des événements privés de plusieurs personnes pressenties. La liste a dans un premier temps, était plus féminine que masculine, mais à la suite des changements intervenus et de nouvelles candidatures, elle s'est retrouvée plus majoritairement masculine. »

« Une dérogation a été officiellement demandée au comité cantonal et acceptée par ce dernier. A Versoix, la liste des Vert.e.s reste cependant la plus féminine, si on excepte le MCG. On peut encore souligner que sur l'ensemble du canton, les listes sont dans la majorité des cas, paritaires, certaines communes ayant même des listes avec plus de femmes que d'hommes, comme Meyrin ou Vernier. »

Les Verts se disent trahis (politiquement)

Sur le sujet d’un apparentement PS-Verts, chaque parti a sa version. Et si elles ne se contredisent pas directement, elles présentent tout de même les choses sous des angles particulièrement différents, mais qui ont un point en commun : le cas de M. Zimmermann (PS).

Chez les Verts, Mme Tchamkerten relate un sentiment de grande déception envers le petit cousin socialiste : « les Vert.e.s ont été très déçus par les prises de position de la majorité de la fraction socialiste du Conseil municipal, ainsi que par les actions du dicastère de la Conseillère administrative socialiste, autant pour ce qui concerne le domaine social (nouvelles places de crèche notamment) que la gestion des déchets ou le développement durable, un domaine essentiel aux yeux des Vert.e.s. (...) ». La minorité des socialistes implicitement défendue par les Verts est faite d’un seul homme : le sus-mentionné M. Zimmermann.

La candidate verte poursuit, donnant un éclairage plus large : « Si, au plan national ou cantonal, les collaborations se passent positivement, de même que dans la quasi-totalité des communes genevoises, il faut constater qu'en raison des personnalités locales, ce n'est pas le cas à Versoix ». En conclusion, non seulement les Verts trouvent les socialistes pas assez verts… ils les trouvent également pas assez socialistes !

Le PS se dit trahi (stratégiquement)

Interrogé sur la question de l’absence d’union PS/Verts, Patrice Marro explique que Les Verts ont repoussé les propositions d’alliance du PS sur la base de deux querelles. Tout d’abord, la question de la place de M. Zimmermann, élu sur les listes PS en 2015, mais dont le positionnement politique marqué très à gauche et les désaccords publics avec sa formation politique lui ont valu d’être “évincé” du PS au niveau versoisien (il est cependant toujours membre du comité directeur du même parti au niveau cantonal). Pour M. Marro, Les Verts n’auraient pas apprécié cette mise au ban — une analyse implicitement corroborée par les propos de Mme Tchamkerten (rapportés plus haut).

Deuxième pierre d’achoppement : la fameuse commission ad hoc sur l’urgence climatique (la même qui a partagé les élus PDC — décidément !), où les socialistes, selon M. Marro, auraient appelé de leurs voeux qu’un Vert en prenne la présidence. Toujours selon le directeur de campagne PS, les Verts, eux, auraient proposé une présidence… PDC. De plus, M. Marro nous a indiqué donner du crédit à un bruit de couloir voulant que les Verts aient cherché à former une alliance inédite avec le PDC, tandem que le PDC aurait refusé au profit de son partenariat de long terme avec le PLR.

Qui croire ? Les propos de M. Marro sont difficile à confirmer. Les “on-dit” seuls ne font pas des vérités. Les tactiques de commissions sont également difficiles à confirmer, étant donné que ces dernières se déroulent à huis-clos. Une chose est sûre, toutefois : la gauche part désunie, et ces deux partis semblent nourrir un désaccord profond. Dans ce contexte, et en cas d’un second tour Entente / PS, il n’est pas dit que les voix vertes concèdent à offrir un second mandat à Mme Enhas. Quant à M. Zimmermman, il n’a pas répondu à nos sollicitations.

MCG, UDC, indépendants

Aucun autre parti n’a daigné présenter de candidats au Conseil administratif. Au Conseil municipal, cependant, le MCG rempile avec une liste placée sous le thème des 50% : 50% d’hommes, 50% de femmes, et 50% de nouvelles têtes. Il s’agit de Laïla Chaoui (élue MCG) et Jonathan Crettaz. En 2015, le MCG avait présenté Antonio Angelo au Conseil administratif, profitant de l’appui de l’UDC. Cinq ans plus tard, M. Angelo n’est présent ni sur les listes MCG, ni sur les listes UDC, et les deux partis partent en solo à la quêtes aux sièges législatifs.

De son côté, l’UDC présente 3 hommes : Jason Détraz, Nicola Gallucci et Patrick Galley. La documentation du parti rappelle que « cela fait déjà plusieurs années que l’UDC n’est plus représenté au sein de notre Conseil municipal », appelant à l’élection de ses candidats pour « du changement et une énergie nouvelle ».

Seul indépendant, l’ancien PLR Christophe Sudan siège depuis 2016 en tant que tel au Conseil municipal. Il ne s’est pas représenté, malgré le fait qu’il ait été « approché par certains partis ». Ceux-ci n’épousant pas ses idées, il a préféré décliner ces offres. Il n’exclut pas la création d’une nouvelle formation politique, mais veut se donner le temps de la réflexion : « j’ai les 5 prochaines années pour y penser ».

Versoix Région et les élections communales

Nous avons la conviction que notre couverture des élections communales — à l’instar de notre couverture de la politique municipale mois après mois — doit être rigoureuse, exigeante, et neutre. Aussi, nous nous devons de vous informer que deux proches de la rédaction de ce journal se présentent cette année au Conseil municipal, tous deux sur la liste des Verts.

Sollicitée à ce sujet, la direction du journal a indiqué les éléments suivants suite à nos questions : « Le journal Versoix-Région vise depuis 30 ans à fournir à la population régionale une information de qualité avec un soin et une éthique journalistique. La ligne éditoriale du journal est définie en comité de rédaction par les membres qui le composent et est garantie par le rédacteur en chef. Gil Pinto Pereira et Eric Tamone contribuent depuis de nombreuses années au bon fonctionnement du journal, mais ne font pas partie du comité rédactionnel. En effet, un journal, ce n'est pas que de la rédaction, mais également de la technique, de la gestion ou de la logistique ; Versoix Région a la chance de pouvoir compter sur leur concours ainsi que sur d'autres petites mains afin de paraître chaque mois. »

« Ainsi, rien, ni pendant la campagne électorale, ni par la suite, ne devrait être changé dans le travail d'information et d'investigation du journal en raison des démarches individuelles de ces deux candidats. Même si la question a en effet été soulevée, les éléments de réponse ci-dessus devraient être de nature à tranquilliser les inquiétudes exprimées. »

Le journaliste auteur de ce dossier n’a été ni encouragé, ni découragé à évoquer ce sujet au sein des colonnes de Versoix Région — il estime que poser ces questions contribue à cimenter la confiance que les lecteurs ont pour ce journal, et relève de sa conception d’une éthique journalistique forte et sans compromis. Il indique en outre n’avoir aucun rapport amical, familial, professionnel, ou d’affaire avec les élus et les candidats à Versoix.

Texte : Yann Rieder

auteur : Yann Rieder

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