16.09.2019 par ALBB
num.292 octobre 2019 p.15
Aménagements de la route Suisse : comment réconcilier tous les besoins ?

 A peine le premier tronçon de la route Suisse aménagé que les critiques pleuvent ! Les ingénieurs n'ont pas su contenter tous les usagers tant leurs besoins sont différents, comme la personne qui prépare un repas et constate que les convives n'ont pas les mêmes goûts.

Les articles publiés dans notre dernier numéro ont provoqué des réactions, dont une peut être lue dans notre courrier des lecteurs. Cyclistes et joggers sont moyennement satisfaits de la surface. Pire encore, des personnes en chaise ou malvoyantes se plaignent des aménagements, alors que la législation exige qu'elles puissent se déplacer sans obstacle.

Un rendez-vous a donc eu lieu pour discuter franchement début septembre. Les entités suivantes y étaient représentées : Direction du génie civil cantonal, le chef du projet de la route Suisse, des représentants d’HAU, du Club en fauteuil roulant, l'Association pour le bien des Aveugles et de la Mairie de Versoix. Durant celui-ci, j'ai constaté que la plupart des vélos utilisent la piste qui leur est dévolue, alors que plusieurs cyclistes réguliers m'avaient certifié que son revêtement n'est pas adapté à leurs pneus de course. Qui dit vrai ?

Tout d'abord, il a été précisé que le projet actuellement en construction date d'il y a une trentaine d'années. C'est pour cela qu'une "piste mixte" mélangeant cyclistes et piétons est créée, alors même que ce concept n'est plus légal actuellement. Quand il a été imaginé, les vélos électriques n'existaient même pas... c'est dire ! Versoix, dernier territoire cédé à la Suisse en 1815, abritera l'ultime tronçon de ce genre. Clin d'oeil de l'histoire...

Que dire du béton désactivé choisi pour marquer visuellement la différence entre la chaussée et les côtés dévolus à la mobilité douce ? Ce sol est le même que celui récemment posé dans le bourg de Versoix. Les piétons ne peuvent se rendre compte des différences entre les dalles dues à la fabrication "artisanale" sur place.

Pourtant, les températures influencent le séchage. Il suffit qu'un ouvrier insiste un peu plus avec son jet d'eau pour que la surface devienne plus rugueuse. Pas grave ? Si ! Certaines personnes se déplaçant en chaise souffrent des vibrations qui provoquent des douleurs au dos. Les pavés sont leur hantise, par exemple. Le meilleur exemple des nuances de ces changements de revêtement est le trottoir à côté de l'Ancienne-Préfecture qui a été fabriqué en deux étapes. La première est plus lisse que la seconde. Lorsqu'une personne en chaise passe à cet endroit, les vibrations décuplent d'un seul coup provoquant un inconfort ou des maux insupportables selon son seuil de tolérance. Une solution serait d'utiliser des graviers plus ronds, mais en cas d'humidité et de gel, le sol serait trop glissant.

Il a été décidé que les ouvriers seront invités à venir observer l'endroit où on peut constater la différence des sols. Ainsi, ils seront sensibilisés pour la suite des travaux, étant entendu qu'il est impossible de modifier ce qui a déjà été posé.

Pour les malvoyants, les lignes de guidage sont une fausse bonne idée. Il faut toutefois, à chaque passage pour piétons ou arrêt de bus, ajouter des points tactiles standards afin qu'ils puissent se diriger et que les bordures soient reconnaissables. Durant le rendez-vous, on m'a offert la possibilité d'essayer de me guider avec une canne blanche sans voir où j'allais. C'est très déstabilisant. Si mon guide ne m'avait pas protégée, j'aurais fini au milieu de la chaussée alors que je croyais suivre le trottoir.

Pour pallier leur manque de vision, les aveugles développent leurs autres sens bien mieux que le commun des mortels. Toutefois, ils doivent pouvoir se déplacer indépendamment. Pour cela, quelques points au sol sont indispensables. Les défenseurs des vélos sont ouverts à ce genre de solution, quand bien même ils peuvent gêner les cyclistes. Bel esprit de consensus !

La nouvelle politique des TPG, qui exige que les usagers fassent signe au chauffeur pour que le bus interrompe sa course, est inapplicable aux malvoyants. C'est la raison pour laquelle tous les arrêts doivent être équipés d'un point fixe tactile, à la hauteur de la porte avant du véhicule. Ainsi, le conducteur qui voit une personne à cet endroit doit considérer qu'elle a demandé de pouvoir embarquer. Vu la position du passager, près de la porte avant, le chauffeur peut même lui signaler quelle ligne il dessert si plusieurs utilisent cette route.

Petits détails ? Non ! Il en va de l'indépendance de personnes qui souffrent d'un handicap, mais ont le droit de se déplacer comme tout le monde.

Il va sans dire que les solutions choisies ne contenteront jamais tout le monde. Ce rendez-vous a aussi été l'occasion de discuter franchement. Il a été promis que les défauts constatés seront évités lors de prochains projets dans la mesure du possible.

Cet article a pour but d'expliquer certains tenants et aboutissants que le public ignore. A chacun de se forger son opinion, toutefois en s'essayant à tous les moyens de transport. Passer assis dans une voiture, en pédalant son vélo ou à pied modifient les points de vue.

Photo Djamel Bourbala (détail du sol) et Anne Lise Berger-Bapst (chaise).

Quand on regarde attentivement le sol sous la chaise, on se rend compte que les asperités sont très irrégulières. Les plus importantes causent des douleurs aux personnes en chaise.

 

auteur : Anne Lise Berger-Bapst

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