02.08.2017 par YR
num.271 septembre 2017 p.16
1er août à Versoix : sur une barque, esseulés

1er août à Versoix : sur une barque, esseulés

Pourtant classique dans son programme, la célébration de la fête nationale avait quelque chose de décalé : sa partie officielle. Les discours ont commencé avec près de dix minutes d'avance, et peu semblaient y prêter attention. En 2017, le 1er août versoisien était lunaire, déconnecté.

Perchés sur un petit bateau motorisé, le maire et le président du Conseil municipal étaient séparés des deux autres conseillers administratifs. Cette division physique, involontaire, écorne légèrement l'image d'unité pourtant peaufinée par la commune de Versoix au fil des années.

À qui s'adressent-ils ?

Au moment de préparer une allocution, plusieurs éléments-clé sont à déterminer : quel est le message principal du discours ? Qui l'entendra ? Quel est le contexte ?

Ces questions permettent d'adapter le ton, la niveau de langage, ou encore de teneur partisane, afin d'obtenir le meilleur effet possible : imprimer les mémoires de son encre, lier son nom (ou celui de l'institution qu'on représente) à un sentiment positif, à des valeurs choisies, à des annonces calculées.

Les discours de messieurs Lambert (maire, PDC) et Angelo (président du Conseil municipal, MCG), tenus depuis leur esquif, pêchaient quant à leur ciblage : au 1er août, fête populaire et joyeusement bruyante, y évoquer les concordats intercantonaux voue le politicien à la solitude ; quant bien même ces derniers sont importants, et que leur mention dut ravir les diplômés en science politique présents dans l'assistance.

Les mots étaient pourtant choisis, et le ton était emprunt d'une gravité adéquate – mais qui diable, dans l'assemblée, pouvait bien suivre avec attention le fil déroulé par les deux élus ? Le public amassé devant le lac applaudissait en fin d'intervention, poliment, sans pour autant faire signe d'une quelconque écoute active.

Marier l'histoire à l'actualité

Premier à s'exprimer, Cédric Lambert a rappelé les fondements de la fête du 1er août, loué le fédéralisme helvète, puis a embrayé sur une énumération de défis en tous genres : «La Suisse a choisi de miser sur les énergies renouvelables : qu'en fera-t-elle pour se défaire des énergies fossiles et du nucléaire qui nous sont si facilement accessibles ? Comment assurer la pérennité de l'AVS et des assurances sociales dans un contexte de vieillissement de la population ? Quels principes de gouvernance adopter pour répondre aux besoins d'agglomérations toujours plus grandes ? Comment régler les relations entre Suisse et Union européenne ?». Un bien vaste programme.

Le micro est ensuite passé entre les mains d'Antonio Angelo. Son discours, riche et technique, était consacré aux évolutions du rapport entre le niveau communal, cantonal, national et supra-national, du pacte fédéral à nos jours.

La première partie est historique et finement amenée : «En 1291, 1er août, trois communautés au coeur de la suisse jurent un soutien mutuel contre toute force extérieure susceptible de les attaquer. Le pacte fédéral est né. (..) Mais les cantons disposent-ils encore d'une entité réelle ? La Suisse réfléchit trop en sa langue majoritaire, oubliant souvent la collaboration de ses francophones et italophones, laissés pour partie menue.»

Hélas, plus loin, son exposé se perd en circonvolutions : «On dénombre pas moins de 733 concordats en vigueur entre les cantons. Certes, les législatifs cantonaux tentent de se coordonner pour préserver le contrôle démocratique de ces concordats, mais les limites sont rapidement atteintes». Dans le ciel de Versoix, un avion passe. Un ange, aussi.

Au delà des mots, la mise en scène de cette partie officielle souffrait également d'une certaine déconnexion : la prise de parole du maire débuta avec dix bonnes minutes d'avance sur le programme, ignorant celles et ceux qui seraient venus spécifiquement pour l'écouter. Tant pis.

Texte et photos : Yann Rieder

auteur : Yann Rieder

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