30.04.2016 par CS
num.259 juin 2016 p.06
Commerçants de Versoix: à la recherche de Mon Joli Trésor

Commerçants de Versoix : à la recherche de « Mon Joli Trésor »

Qui sont les commerçants et artisans de Versoix ? Comment vivent-ils les mutations de notre époque, qu’elles soient locales, avec la transformation de la ville, ou mondiales, par la concurrence d’internet ?
Les premiers articles de notre série « Commerçants de Versoix » concernaient des artisans ou commerçants implantés dans notre belle commune depuis bien longtemps déjà. Cette fois, la parole est donnée à la gérante d’un tout jeune commerce, puisque ouvert depuis seulement une année sur la place du Bourg.
La boutique de prêt-à-porter «Mon Joli Trésor» propose un double service : un côté du magasin affiche des vêtements neufs de créateurs ; l’autre espace est dédié au dépôt-vente d’articles de deuxième main.
Avec la centralisation des commerces dans le nouveau centre-ville de Versoix et tous les regards tournés désormais du côté de la gare, Maria Oliveira Rodrigues fait appel à une plus grande solidarité commerçante et un soutien de la commune pour faire revivre le quartier du Bourg.

- Versoix-Région : Pourquoi avoir décidé de venir implanter votre commerce à Versoix ?
J’habite à Versoix depuis quatorze ans. Ma collègue et moi cherchions un local pour démarrer notre commerce ensemble. Lorsque nous avons vu que c’était libre ici, au Bourg, nous sommes venues parler avec le propriétaire, qui a approuvé notre projet. Il faut dire que la boucherie qui était là avant nous était déjà fermée depuis plus d’une année. Nous avons alors transformé la boucherie en magasin d’habits.

- V-R : Comment décririez-vous votre clientèle, aujourd’hui ?
Au début, il s’agissait surtout de mon cercle de connaissances. Je travaillais déjà dans la vente dans un grand commerce, ce qui m’a permis de construire un réseau assez important autour de moi. Je n’ai pas fait beaucoup de publicité parce que cela coûte cher. Même si quelques curieux versoisiens viennent parfois jusqu’ici, mes meilleures clientes viennent de plus loin, de Nyon, ou d’autres communes avoisinantes. Mon magasin est divisé en deux parties : d’un côté, les habits neufs - notamment de la marque portugaise Ana Sousa - de l’autre, des articles de second main. Cette combinaison attire ainsi trois types de clientes différents : celles qui souhaitent donner une deuxième vie à ces habits qu’elles n’utilisent plus, celles qui cherchent des articles à prix réduits et celles qui viennent acheter des vêtements neufs. Les mois de janvier et février n’ont pas été très fructueux. Il est vrai que la période qui suit les fêtes de fin d’année est toujours compliquée. De plus, on est un peu cachés derrière la patinoire. Toutefois, en m’installant ici, je savais déjà que ce serait comme ça. Et j’ai eu quelques clientes qui venaient faire des emplettes pendant que leurs enfants s’amusaient sur leurs patins.

- V-R : Etes-vous satisfaite de l’emplacement de votre commerce ?
Si je me suis installée ici, c’est parce que j’adore cette rue. On dirait qu’on est dans un petit village, c’est un quartier plein de vie, plein de potentiel. Mais si on continue à le délaisser au profit du nouveau centre-ville là-haut du côté de la gare, cette vivacité risque de se perdre. Je pense que la place du Bourg pourrait accueillir d’autres évènements ou proposer d’autres activités, plus variées, et que cela attirerait de nouveaux clients dans les commerces autour. Malheureusement, il y a un gros problème de parking, ici. La commune de Versoix devrait investir davantage dans cette place publique. Pour ma part, j’ai le projet d’y organiser un défilé de mode.

- V-R : Pourquoi pensez-vous que tant d’artisans et de petits commerces comme le vôtre tendent à fermer boutique ? Quelles en sont, selon vous, les causes ?
La première raison est le prix des loyers, toujours plus exorbitant. Ensuite, je trouve que la mairie ne fait pas grand chose pour ces petits commerçants. Je peux vous donner un exemple très concret : lorsque j’ai installé mon magasin ici, j’ai dû remplacer les lettres de l’enseigne de l’ancienne boucherie par celles du nom de ma boutique, tout en gardant le même modèle. J’ai tout de même dû payer des taxes conséquentes ! Les impôts que je dois payer représentent des montants astronomiques au vu de la toute petite taille du local que j’exploite. Et la commune ne donne aucun soutien financier à ses commerçants locaux, même aux nouveaux qui se lancent. A vrai dire, elle ne manifeste pas vraiment d’intérêt pour nous. Lorsque j’ai ouvert «Mon Joli Trésor», aucun représentant municipal n’est venu me souhaiter la bienvenue dans le quartier, ou n’a pris contact avec moi. Peut-être la commune de Versoix pourrait-elle s’intéresser davantage à ce que l’on peut apporter à la ville ainsi qu’à nos besoins. Ce serait intéressant d’organiser des rencontres entre commerçants, qui pourraient alors se soutenir ou mettre en place de nouvelles initiatives. Il y a eu, il y a peu, une réunion pour tous les commerçants de la ville de Versoix. Mais franchement, cela concernait surtout les grosses enseignes et laissait de côté les plus petits commerçants comme moi.

- V-R : Vous évoquez les grosses enseignes. Vous sentez-vous menacée, professionnellement, par celles-ci ?
Non, pas du tout, parce qu’heureusement pour moi, il n’y a aucune grosse enseigne d’habits à Versoix. Et puis comme je l’ai dit précédemment, je propose des marques indépendantes étrangères, ainsi qu’un service de vente de seconde main, qui font la particularité de mon magasin.

- V-R : Pensez-vous que des petits commerces comme le vôtre ou des artisanats traditionnels ont toujours leurs places, au jour d’aujourd’hui, dans une ville comme Versoix ?
Bien sûr, ils restent très importants. Ici, je ne vends pas seulement des vêtements, j’offre aussi un moment convivial. Je connais mes clientes, elles viennent parfois ici juste pour boire un café ou pour discuter. C’est un service personnalisé que l’on propose, qui n’est pas disponible dans un grand magasin dans lequel les clients choisissent des habits, les essayent, payent, puis repartent. C’est aussi un service particulier très important, surtout pour les personne plus âgées, qui sont plus seules, et qui viennent pour parler ou être écoutées.

- V-R : Vous dîtes que les petits commerces sont délaissés au profit des grands et peu soutenus par la commune. Comment les revaloriser, concrètement ?
Il faudrait redonner vie au commerce versoisien et à la place du Bourg, notamment en incitant de nouveaux commerçants à s’installer dans ce beau quartier. Comme je l’ai dit précédemment, il faudrait aussi multiplier et varier les animations sur la place pour qu’elle redevienne un lieu de rencontre. Pourquoi, par exemple, ne pas ramener le marché de fruits et légumes qui se tenait là tous les jeudis ? Une autre suggestion serait d’y installer une scène musicale lors de la fête de la musique.

- V-R : Comment envisagez-vous l’avenir pour votre activité et vous-même ?
Même si il y a des périodes qui ont été plus difficiles que d’autres, je ne suis pas trop préoccupée. Depuis que j’ai ouvert la boutique il y a un an, j’ai eu du travail tous les jours. C’est encore trop tôt pour faire un bilan et mesurer le gain ou la perte de mon affaire. Mais je suis persuadée que l’idée de vendre à la fois des articles neufs et de récupérer et revendre des articles de seconde main peut très bien marcher. Ce qu’il faudrait, c’est que je ne sois pas seule dans cette bataille, mais qu’il y ait, d’une part, une plus grande solidarité entre les commerçants de la ville, et d’autre part, un plus grand soutien de la commune de Versoix, un coup de pouce financier ou publicitaire. Ou au moins une petite parole encourageante.

Malgré l’offre variée et originale qui fait le charme de “Mon Joli Trésor”, Maria Oliveira Rodrigues semble en proie à quelques incertitudes quant à l’avenir de son magasin; des incertitudes qui sont partagées par les petits commerçants de la ville de Versoix avec qui nous nous sommes entretenus. Elle espère toutefois concrétiser ses projets pour faire tourner sa boutique et faire renaître la place du Bourg.


Texte: Carla da Silva et Yann Rieder
Photo: Carla da Silva

 

auteur : Carla Da Silva

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