07.10.2013 par ro
num.233 novembre 2013 p.24
Le « Trio des quilles » aux Caves de Bon-Séjour

L’excellent clarinettiste Benoît Trapezaroff, déjà entendu la saison passée avec son quatuor de clarinettes, est revenu ce dimanche 6 octobre, cette fois accompagné de Venera Anastassova, altiste, et de Fabien Bernier, pianiste. Ces  jeunes artistes ont offert trois œuvres majeures écrites sur plus d’un siècle d’intervalle pour cette formation en trio.
De Mozart d’abord, le Trio dit des quilles K498, auquel nos artistes ont emprunté le nom de leur formation. En 1786, Mozart déjà trentenaire a réalisé sa première œuvre donnant pleine place à la clarinette, instrument nouvellement développé. Il en aurait trouvé l’inspiration dans un jeu de quilles (« Kegelstatt ») qu’il fréquentait avec ses amis. Suite à ce brillant « coup d’essai » viendront en moins de cinq ans les chefs d’oeuvre absolus pour la clarinette que sont le quintette K581 et le concerto K622. Dans le trio, nos artistes ont rendu avec toute l’élégance et l’entrain voulus le caractère enjoué des trois mouvements. Les deux premiers font dialoguer clarinette et alto, un peu comme dans des airs d’opéra, que soutient le piano. Le troisième mouvement renvoie plutôt au modèle du concerto, où le piano se voit confier la voix principale, accompagné par un « orchestre » réduit à la clarinette et à l’alto.
Bien des années plus tard, en 1853, Schumann, dans la dernière période de création qui précéda sa mort, s’est confronté à cette formation pour y chercher de nouveaux équilibres entre instruments. Le trio a su exprimer avec sensibilité la complexité de ces quatre Contes de fées op. 132 (« Märchenerzählungen »), où le merveilleux côtoie sans cesse les élans dramatiques et une certaine véhémence. On peut même y déceler des traces d’ironie, tant la référence aux contes de fées ne semble qu’un prétexte à cette pure musique. D’ailleurs, Schumann s’est bien gardé de donner des titres illustratifs à ces pièces, comme il l’avait fait pour beaucoup d’œuvres pour piano.
Un nouveau saut de plus de cinquante ans nous sépare de la troisième partie du concert, consacrée à trois des Huit pièces op. 83 de Max Bruch, qui datent de 1908. Comme son exact contemporain Camille Saint-Saëns, autre confident de la clarinette, Bruch est resté en marge des révolutions musicales qui ont marqué le tournant du siècle. Nos trois musiciens ont donné leur juste expression à ces pièces de caractère, où perce la nostalgie d’une époque bientôt révolue. Le choix qu’ils ont fait illustre la diversité de ces magnifiques morceaux, entre la tendresse douloureuse inspirée par un chant roumain et l’ambiance de carnaval de l’allegro qui terminait le concert.
Instrument parfois qualifié d’automnal, la clarinette était bien de saison. Autour d’elle, la parfaite entente des trois musiciens a produit la magie d’équilibre que requiert la musique de chambre. Le public a apprécié ce concert de grande tenue en ovationnant les artistes. On en redemande !   Gilles Gardet

(Photos Brigitte Siddiqui)

auteur : rédacteur occasionnel

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