20.05.2012 par TM
num.219 juin 2012 p.10
Le Plan Stratégique de Développement

La séance d'information publique du 2 mai engloutie par la foule

Mercredi 2 mai les architectes du Plan Stratégique de Développement (PSD) donnaient de leur personne en venant exposer hors temps de travail l'état des lieux de leur projet en matière de développement (logements et infrastructures). Avant d'aller plus loin, précisions que le PSD s'inscrit dans la même perspective que le Plan Directeur Cantonal 2030 (article dans le Versoix-Région d'été 2011) et étudie également une densification substantielle de la région. L'objectif avoué de cette démarche, de ces plans multiples et de ces études à profusion est d'arriver à quelque 50'000 logements supplémentaires à Genève d'ici la moitié du siècle.
Or, comme la ligne n'a pas changé et comme les études n'ont pas eu de conclusions inattendues, la présentation ne faisant que reprendre et fortifier les intentions déjà présentées, soit un agencement sommaire du territoire communal dans l'optique d'ajouter au cadastre local quelques 1'500 logements d'ici 2030, pour un total d'environ 3'000 en 2050. Les secteurs qui verraient fleurir tours et barres d'immeubles sont les vastes zones de "chez Pélissier" et des Colombières, alors que les autres parts de la Ville se verraient progressivement parsemer de constructions plus discrètes, mais néanmoins plus denses que des villas individuelles ou jumelles.
Toutefois, si la direction n'a pas changé, elle se précise ; ce qu'on avait constaté avec le gel des autorisations de construire dans les zones en question ; ce qu'on avait même observé plus récemment avec le plan localisé de quartier (PLQ) à Lachenal. Préavisé négativement par le conseil municipal en septembre dernier, celui-ci incluait une tour et d'énormes barrettes d'immeubles, l'oxymore illustrant très bien la dualité d'un projet affiché avec enthousiasme et idéal d'une part, mais qui d'autre part génère craintes et répulsions. Pour preuve, le terme "bunker" avait même été utilisé lors de cette séance des représentants choisis par le peuple (CM) à hauteur de 37% (taux de participations au printemps 2011).

Des questions et des réponses
Alors que le document officiel était résumé avec enthousiasme, une bonne centaine de personnes s'était déplacée pour écouter, et surtout pour se faire entendre. Comme le plan lui-même n'a pas fondamentalement évolué, le rappel ci-dessus le résume amplement.
Cela étant, on peut relever deux originalités: la diapositive d'un plan de Versoix, lorsque le Duc de Choiseul était encore aux commandes, accompagnée d'un "regardez comme c'était?" et le terme de "pôle de développement" pour Versoix, la conférencière précisant qu'on s'était préoccupé de ne pas faire de la Ville une "cité dortoir".
De l'autre côté, le public, tenu dans la pénombre pour faire fonctionner le projecteur, ne tarissait pas de questionnements et de remarques, si bien que certains ont dû laisser leur langue dans leur poche.
On avait d'abord les questions d'ordre pratique d'une part: poste de police permanent, infrastructures sportives, problématiques de propriétaires dans les zones cible… D'autre part, on répondait assez vaguement, étant donné que le PSD devrait se préciser cet automne. En clair, les deux projets phares que sont la salle omnisports et régio-nage sont désormais à l'ordre du jour et se voient fortement considérés dans le cadre d'accords intercommunaux autour du "pôle Versoix". Le poste de police est également contemplé et tout sera fait pour éviter au maximum de léser les détenteurs de maisons.
On avait aussi des questions autour des enjeux majeurs, comme les aspects sociaux et routiers. A la constatation positivement insolente et même applaudie sur le déséquilibre de la densification (rive droite - rive gauche et communes plus riches), était rétorqué que le PSD "inclut aussi une densification à Cologny."
A celle de savoir, au vu de la forte précarité à Versoix, ce que proposait le PSD, on répondait en terme d'études et de projets sociaux, tels que celui qui est en cours à la Pelotière (cohésion sociale en milieu urbain).
Ou encore, lorsqu'était évoquée la problématique des transports, on semblait déjà être plus prudents quant à la fameuse sortie autoroutière planifiée et on citait l'initiative de la "mobilité douce" et les trains aux quarts d'heure, pour les questions d'engorgement sur les routes.
Enfin, peut-être moins en phase avec la conférence, M. Sauter (qui était venu avec ses compagnons élus Verts participer activement à la partie question-réponse) a demandé si vouloir construire et ainsi croître était effectivement l'unique bonne solution, évoquant le fait que la notion de croissance (qu'on applique souvent à tout), pouvait aussi être appliquée au confort, au bien-être et à l'environnement. On lui a répondu que "la densification" n'était pas "nécessairement une régression du mode de vie".
Et le modérateur finira même par ajouter qu'il avait l'impression de revenir cinq ans en arrière, quand il s'agissait encore de "savoir si on allait densifier". D'une part, le confort, le bien-être ou le bien vivre, avec la santé et l'aspect psychique semblent être absents du Plan Directeur et du PSD, sont-ils des aspects d'importance moindre? N'est-ce pas plus là une lacune de cette vaste étude qu'est le PSD, qu'un refus de jouer le jeu? D'autre part, ce débat que mentionnait le modérateur a-t-il déjà été porté sur la place publique? Ne serait-il pas temps?

Epilogue ou "applause"
Et après avoir mis un terme à la partie des questions, le modérateur instruisait au public d'applaudir. Etait-ce bien un spectacle auquel on venait d'assister ou bien l'étape suivante sera-t-elle le fameux panneau "applause" qu'on ne voit guère plus que dans les bandes dessinées Fait étonnant, une large majorité s'est exécutée, bien que l'heure était sérieuse et que beaucoup de craintes n'avaient pas trouvé de réponse.
Les gens étaient-ils vraiment inquiets, soucieux ou révoltés? On peut le penser. Le mode question-réponse n'étant pas un vrai débat, le conférencier y a toujours le dernier mot. Cependant, on voyait régulièrement les gens garder le micro pour formuler une seconde question ou une remarque, afin d'essayer d'arracher une meilleure réponse de nos conférenciers. Certains ont parlé de leur bien immobilier se trouvant désormais sous les feux de l'Etat, d'autres de la précarité ou du trafic à en étouffer. Ils venaient amener leur réalité et leur bon sens quotidiens. Comme le plan n'est encore que vague (à l'image des réponses brodées sur fond de généralités), on peut douter qu'ils soient repartis tant satisfaits.
Et une conférencière l'a précisé: pour faire entendre sa voix, elle conseillait de "constituer des associations d'habitants" qui pourraient alors "envoyer un représentant lors des colloques".
En fait, la voix populaire était présente pour se faire entendre, mais ce n'était ni la date, ni le lieu. En outre les associations d'habitants sont-elles un moyen efficace de faire passer une idée ou une constatation? Dans les rapports de force, celles-ci ont rarement pesé bien lourd.
Plus particulièrement, lorsque le projet reste vague, lorsque les termes passent sans réelle explication, de "cité dortoir" à "pôle de développement", lorsqu'on nous présente subrepticement un plan qui n'a jamais été achevé (cf. Duc de Choiseul) et qu'aujourd'hui on donne le feu vert à la "rénaturation" des Cherpines par le suffrage universel et quand demain Versoix qui rechignera peut-être, se verra imposer ses "Cherpines à elle", quelle force auront ces associations? Pourquoi ne dit-on pas les choses telles qu'elles le sont, présentant avantages (plus de logements) et concessions (moins d'espace) à faire, pourquoi ne vote-t-on pas le PSD et le Plan Directeur?
Alors à l'apéro, l'occasion se présentait d'aller discuter avec les fonctionnaires présents. Si l'on pouvait constater que leur travail a été colossal et qu'ils l'estiment beaucoup, s'ils ont l'air d'avoir l'esprit ouvert et le dialogue facile, on sait et ils confirment que le constat de base (densifier à hauteur donnée) ne sera jamais remis en question. Une dualité qui fait penser que ce plan, sous ses aspects d'ouverture et de variété, pourrait être la liqueur qu'on offre à cette même occasion pour faire oublier une addition un peu trop salée. L'instruction d'applaudir en serait alors la preuve, et la rhétorique impose trois questions en guise de conclusion: les collaborateurs du PSD avaient-ils le droit de tirer des constatations moins convenantes pour les politiciens? Pouvaient-ils dire "non, autant de logements tout en préservant la qualité de vie, c'est une impasse"? Etaient-ils seulement autorisés à étudier des pistes qui allaient dans d'autres directions ou même vers l'originalité?

auteur : Thomas Mazzone

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