19.04.2020 par ALBB
num.298 mai 2020 p.15
Versoix par temps si calme...

En décembre dernier, au moment de la commémoration de l'Escalade, le LémanExpress a été inauguré en grandes pompes. La collaboration régionale a été louée. Qui aurait imaginé que, trois mois plus tard, des blocs de béton fermeraient la frontière ? Quel paradoxe !

L'ambiance qui en découle dans nos rues, au bord du lac ou dans la campagne est vraiment particulière. Le vacarme habituel des avions et de la circulation a été remplacé par le brouhaha des oiseaux qui s'en donnent à coeur joie, tous surpris de l'effet que leur chant a sur les environs. La nature reprend le dessus, le ciel est limpide, l'air est moins pollué, quoique les personnes sensibles aux pollens souffrent quand même. Renards et autres biches sont apparus... Ils reprennent possession de l'espace.

Les gens se promènent, s'évitent plus que s'invitent. La majorité salue les personnes qu'elle croise, presqu'avec un sourire complice. Il est clair que notre région est propice au semi-confinement puisqu'il est possible de bénéficier du lac, de la forêt, de la campagne à portée de pied tout en respectant les distances sociales.

Il y a aussi ces moments de partage le soir à 21h00, lorsque les gens remercient musicalement tout le personnel qui travaille pour permettre au pays de survivre. Tout à coup, on se rend compte que l'essentiel n'est pas forcément d'avoir, mais d'être. Pensée vite oubliée par les matérialistes qui se rattrapent par leurs achats compulsifs sur internet...

La distance sociale, recommandée par les autorités sanitaires, fait des victimes collatérales. Toutes les personnes en EMS, à l'hôpital, voire même simplement seules chez elles, peuvent penser qu'elles sont abandonnées. Ce sentiment peut même devenir aigu en cas de décès, surtout si les visites étaient interdites avant. Le mieux, c'est vraiment l'ennemi du bien ! A tous ceux qui ont perdu un proche dans ces conditions, qui ont l'impression d'avoir été dépossédés de leur deuil, une pensée émue...

Il y a aussi la crainte de beaucoup d'employés de perdre leur travail. Et la colère des indépendants qui se sentaient abandonnés. Le Conseil Fédéral a proposé des solutions in extremis pour ces derniers, toutefois tout n'est pas encore parfait de ce côté-là.

A l'heure des premières phases de déconfinement, il est temps de réfléchir à comment se relever sans rechuter sur les plans de la santé et de l'économie. La solidarité sera la meilleure stratégie. Il faudrait que, ensemble, nous continuions à consommer en Suisse, favoriser la production locale, pour permettre à la machine de se remettre en route et éviter un effondrement des entreprises, donc de l'emploi. Il sera indispensable que nous respections les distances sociales avec les personnes que nous croisons sur le chemin de la vie, tant que le virus sévit, même si notre coeur nous dicterait d'être plus chaleureux.

Des questions macro-économiques mériteront de sérieuses réflexions. Est-il normal de dépendre autant de la Chine ou d'autres contrées lointaines, alors que notre pays, ou ses voisins directs, ont une industrie efficace ? Comment assurer la fabrication des produits de première nécessité localement ?

Les milliards investis par la Confédération représentent une occasion unique pour une reconversion verte de notre tissu économique, en assurant à la fois les emplois et la sécurité sanitaire. Il est notoire que notre pays rengorge de talents, de brevets, d'inventeurs. Notre force première, c'est la matière grise. Mettons-la en valeur et profitons de cette pandémie pour inventer un monde nouveau, plus respectueux et humain. Cette crise pourrait ainsi se transformer, à long terme, en une chance de renouveau, tant social qu'économique.

auteur : Anne Lise Berger-Bapst

<< retour