15.01.2020 par MG
num.295 février 2020 p.10
Greenwashing et Fake News

Le 27 décembre, dans le journal « Le Temps », il y avait un reportage sur l’environnement intitulé "En 2019 comme jamais auparavant, les grandes entreprises internationales ont garanti qu’elles allaient changer, afin de mieux préserver l’environnement." Mais la vérité des chiffres alimente le doute.
https://www.letemps.ch/economie/multinationales-se-chantres-lecologie
Le premier exemple de ce doute, même avant la mention de Glencore, Nestlé et Coca Cola, est la compagnie easyJet, qui venait de déclarer qu’elle compense l’entier du CO2 émis par ses centaines d’avions. Or, en comparant le montant qu'elle dépense à cette fin, plusieurs évaluations concluent qu’EasyJet ne paie qu’un dixième de la somme calculée par l’organisation Myclimate. Ainsi, pour un aller-retour à Barcelone que Myclimate évalue à 10 CHF, la contribution d’easyJet ne se monte qu'à un franc. Un bon exemple de Fake News !
Un peu plus loin, le mémo interne de l’association patronale Business Europe cité suggère aux lobbyistes (à Bruxelles) de «Réagir positivement à toute déclaration politique tant qu’elle n’est pas suivie d’une loi.».
Dans la même édition du Temps, il y avait un article sur le « greenwashing », accompagné d'un manuel pour déceler le vert du faux. https://www.letemps.ch/economie/greenwashing-un-manuel-deceler-vert-faux

Parmi les 7 questions qui doivent être posées aux entreprises clamant leur vision environnementale, il y en a qui s’appliquent aux déclarations de l’aéroport et les compagnies d’aviation :
1. « La démarche environnementale touche-t-elle au cœur d’activité de l’entité ? »
En ce qui concerne les nuisances de l’aviation l’aéroport veut agir sur les départs nocturnes retardés, mais refuse d’agir sur le très grand nombre d’atterrissages tardifs, en particulier les retours des avions de la compagnie easyJet Suisse, parfois après minuit.
2. « Les objectifs annoncés sont-ils chiffrés et planifiés selon un calendrier et une méthode claire ? »
Peu avant la votation de l’initiative demandant davantage de démocratie à l’aéroport, celui-ci avait publié deux documents indiquant les mesures prévues pour diminuer les nuisances. Est-ce que cette annonce (prématurée ?) était censé convaincre la population à refuser l’initiative ? Si oui, on peut parler de pari perdu !
Le nouveau réglement d'exploitation proposé par l’aéroport contient un système de quotas afin de diminuer les décollages après 22h (à l’exception des nouveaux long-courriers après 22h !). Ce document ne donne aucun nombre précis des départs nocturnes qui seront considérés comme « acceptables » en 2020 ou après. Tout dépendra de l’attribution à chaque type d’avion de « points bruit » en fonction d'un certificat idoine. Toutefois rien n’indique qui, et sur quels critères, ils seront calculés. Un outil informatique, qui n’existe pas encore, est mentionné pour gérer ces quotas. Toutefois, il bénéficiera d'une telle confidentialité des données qu'il sera impossible aux riverains d'y avoir accès.
3. Dans une déclaration conjointe, easyJet, Swiss et l’aéroport s’engagent à diminuer les vols en retard au départ. On pourrait dire qu’avec une diminution de 10% pour les vols opérés par ces trois compagnies en 2019, ce serait mission accomplie. Or, un examen de tous les vols en retard montre que les autres compagnies d’aviation ont réussi une meilleure réduction, soit 27%.
La réalité est que deux tiers des décollages nocturnes sont des vols easyJet. Plus de la moitié sont des vols vers quatre aéroports, en Angleterre ou au Portugal, qui en 2019 figurent parmi les dix pires destinations (étude de Bloomberg à propos de 132 aéroports mondiaux). Est-ce que l’AIG a suffisamment d’influence pour exiger qu’easyJet évite que ses dernières rotations soient à destination de ces aéroports maudits ?
4. « Le vocabulaire et les unités employés sont-ils précis ? » Autrement dit, quand l’explication du système de quotas parle de « redevance incitative fortement progressive », est-ce qu’il existe un échelle précise pour ces redevances ?
5. « La démarche environnementale concerne-t-elle l’ensemble des activités de l’entreprise? ». Pas du tout pour les compagnies d’aviation easyJet et Swiss, qui ne se concentrent que sur les décollages.
6. « L’entreprise est-elle suffisamment transparente à propos de sa chaîne d’approvisionnement et son circuit de distribution? ». On peut considéréer que la transparence de l’aéroport laisse toujours à désirer !
Alors, quand on est exposé à des déclarations réjouissantes, il faut toujours poser des questions pointues afin d’arriver à la vérité, règle qui s’applique également aux déclarations politiques !

auteur : Mike Gérard

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