21.12.2019 par ro
num.294 déc.2019-janv.2020 p.05
À la chasse des autres mondes !

Il était une fois un observatoire caché dans la forêt et deux astrophysiciens de l’Université de Genève, Michel Mayor et Didier Queloz, qui rêvaient de trouver d’autres mondes au delà de notre système solaire. Vers la fin de l’année 1994 les deux astrophysiciens détectaient un signal, interprété comme celui d’un corps céleste qui faisait le tour de son étoile 51 Pegasi. Ils étaient sûrs de leur observations, mais ils doutaient de leur interprétation. La planète 51 Pegasi b était gazeuse, un peu plus grande de Jupiter, très proche de son étoile et effectuait une révolution complète en 4,2 jours. Selon la théorie de l’époque le géante gazeuse ne pouvait pas se trouver très proche de son étoile : ce résultat aurait surpris les théoriciens. “On ne peut pas dire de bêtises” disait Mayor. En fait dans le passé plusieurs équipes d’astrophysiciens avaient annoncé la découverte d'une exoplanète, mais la communauté scientifique réfutait l’interprétation. La question était très délicate, et il fallait avoir patience, car l’étoile 50 Pegasi n’était plus observable dans le ciel ! Ils ont attendu six mois, et en juillet 1995, Mayor avec son étudiant de doctorat Queloz détectaient le même signal. Les nouvelles observations confirmaient leur interprétation et la première exoplanète avait enfin été découverte. Elle fut surnommée 51 Pegasi b! Quel drôle de nom! C’est l’Union Astronomique Internationale en charge de nommer l’exoplanète : elle prend le nom de l’étoile, suivi d'une lettre de l'alphabet, en commençant par “b”.
Comment sont-ils arrivés à cette découverte avant que les autres ? Astronomes de tout le monde étaient à la chasse des exoplanètes en vain, car la technologie n’avait pas encore été développée. Mais un jour, pas très loin de Versoix, le Directeur de l’observatoire de Haute Provence décidait de résoudre un problème d’instrumentation. En utilisant un télescope de 2 mètres, il voulait améliorer la qualité des images des galaxies faibles quand il y avait la Lune, c’est à dire quand le ciel était brillant. Il donc demandait à Mayor et André Baranne - un opticien de l’observatoire de Marseille - de construire un instrument de nouvelle génération. Ils étaient très fiers d’avoir conçu ELODIE, capable de faire de mesures 20 fois plus précise. Il s’agissait d’un spectrographe, un instrument qui sépare la lumière reçu par le télescope en toutes ses couleurs, en saisissant l’arc en ciel de l’étoile. “Donc qu’on va faire avec ça?” Sans hésiter Mayor disait: “Enfin on a la machine pour chercher les exoplanètes!” Il expliquait: “La lumière c’est le seul signal qu’on reçoit d’une étoile. Quand il y a une planète autour d’une l’étoile, sa présence fait bouger l’étoile qui décrit une trajectoire circulaire (Fig.2). Si l’étoile se rapproche de nous, sa lumière vire plutôt vers le bleu (Fig.3), si l’étoile s’éloigne sa lumière vire plutôt vers le rouge (Fig.3). ELODIE nous va permettre de mesurer la vitesse de ce déplacement!” En 1995 les deux astrophysiciens mesuraient la vitesse de déplacement de l’étoile 51 Pegasi (Fig.3). C’était une découverte révolutionnaire surtout pour la nouvelle technologie développée, qui a fait décoller la quête des exoplanètes de la taille de Jupiter. Passionné, Michel Mayor a contribué au développement de spectrographes encore plus fins, comme CORALIE et HARPS. Pour la détection d'exoplanètes, aujourd’hui, les scientifiques utilisent deux stratégies différentes:

1) grands télescopes en régions où le ciel est pur et sans pollution lumineuse, comme celui de la Silla, au Chili à l’aide d’un spectrographe. Le 25 avril 2007 avec HARPS autre découverte très importante: Gliese 51 b la première exoplanète ayant caractéristiques terrestres, c'est-à-dire rocheuse et située dans la zone habitable de son étoile;

2) le télescope spatial Kepler. On compte 4119 exoplanètes! Malheureusement entre toutes les planètes seulement 129 se trouvent dans la zone habitable, une région de l’espace où les conditions sont favorables à l’apparition de la vie.

Enfin, une technologie développée dans le lointain 1990 a stimulé l’investigation des exoplanètes dans le monde entière qui nous permettra de répondre à la question posé de Christian Duve - prix Nobel de la médecine -: “La vie est - elle un impératif cosmique?”

Fig.1: (a) Comparaison entre l’exoplanète 51 Pegasi b et la planète Jupiter de notre système solaire. (b) Comparaison entre l’étoile hôte 51 Pegasi et le Soleil. Image NASA

Fig.2: www.esep.pro
Fig.3: Le décalage de la lumière (gauche). La courbe de la vitesse radiale qui a permit la détection de la planète Pegasi 51b (droit). Image Mayor et Queloz (Univeristé Genève).

auteur : rédacteur occasionnel

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