14.09.2019 par YR
num.292 octobre 2019 p.12
Divonne : le maire met un terme au projet d'embouteillage

Divonne : le maire met un terme au projet d’embouteillage

Le soir de la séance d’information du 3 septembre, à Divonne-les-Bains, seuls quelques membres d’une association opposée au projet d’embouteiller l’eau sise sous le territoire communal pensaient avoir deviné l’issue de la rencontre.

Pour eux, le bruit courait que Vincent Scattolin, maire Les Républicains de la ville, allait annoncer un retrait du projet. Les évènements de la soirée leur ont vite donné raison.

## Un one-man-show à la française
L’homme politique face au peuple dont il veut (re)gagner la confiance. La figure est toute française, et le maire de Dionne-les-Bains n’a pas rechigné à en faire usage.

Seulement accompagné d’une douzaine de plantes en pot — le symbole pro-écologie aurait pu être plus subtil — le maire de la commune française limitrophe a ouvert la séance d’information en annonçant être venu à une décision après plusieurs mois d’écoute de ses concitoyens, pour beaucoup remontés contre le projet.

Il faut dire que M. Scattolin a été élu en février de cette année, suite à la démission de son mentor, Etienne Blanc (LR), parti briguer la mairie de Lyon. Il a depuis défendu mordicus le projet d’embouteillage de l’eau de Divonne, laissé par son prédécesseur.

Il faut également préciser, hasard parmi les hasards, que M. Scattolin fera prochainement face à une élection municipale, comme tous les maires de France, les 15 et 22 mars prochains.

Toute bonne nouvelle est bienvenue, donc. Et visiblement, M. Scattolin a choisi d’incarner l’annonce tout seul, devant une salle comble. Les membres du Conseil municipal ainsi les associations qui se sont mobilisées étaient cantonées aux bancs du public. L’entreprise porteuse du projet, Andrenius, n’était quant à elle pas présente.

Il a décidé de dissoudre (le projet)

Les revendications pressantes d’arrêter ce projet venaient de la population de Divonne (dont certains se sont constituée en une association, « Stop Embouteillage Divonne-les-Bains »), défavorables à un projet peu respectueux de l’environnement et pouvant perturber la circulation routière alentours.

Les critiques provenaient également de plusieurs communes suisses — dont Versoix — préoccupées par l’impact écologique et l’exploitation discutable d’une ressource, l’eau.

Avec l’augmentation de la population dans l’arc lémanique en général, l’eau des rivières et des nappes phréatiques deviendra plus précieuse encore. De quoi s’inquiéter d’un projet visant à l’exporter à l’autre bout du monde, notamment en Chine. Le vice-président du Conseil municipal de Versoix, M. Zimmermann (PS), avait parlé de « casus belli ».

Mais voilà que le maire a déclaré avoir « décidé d’arrêter le projet ». Alors, « casus belli » il n’y a plus. L’annonce de l’arrêt a provoqué une longue salve d’applaudissements et de sifflets approbateurs dans le public. « Je ne pensais pas que ça susciterait tant d’émotion chez vous », a commenté l’élu, un peu surpris et gêné.

M. Scattolin justifie cette annonce-surprise par « la rupture du rapport de confiance avec le porteur de projet », c’est-à-dire la société Andrenius ainsi que son représentant, M. Patrick Sabaté. En cause : Andrenius n’aurait pas souhaité signer un avenant au contrat forçant certains critères de responsabilité écologique à l’entreprise exploitant le projet.

Contactée par nos soins, la société Andrenius n’a pas donné suite à nos questions.

Coût et futur

Malgré plusieurs questions du public en ce sens, le maire n’a pas souhaité avancer de chiffre quant à la pénalité que subira Divonne-les-Bains suite à la rupture du contrat la liant à la société Andrenius sur ce projet.

Il estime que dévoiler une somme risquerait de mettre en danger le travail accompli par l’avocat de la municipalité. M. Scattolin espère, sans être en mesure de le garantir, que l’opération de rupture du contrat ne coûtera pas un euro à sa ville.

À ce sujet, un habitant de la commune l’a interpellé en avançant que le maire avait, par le passé, parlé d’une pénalité aux alentours de 10 millions d’euros. Agacé, M. Scatollin lui a répondu qu’il ne souhaitait pas que cette estimation, évoquée « dans une réunion de quartier », ne soit publiquement évoquée. Il ne l’a pas commenté au delà.

Enfin, M. Scatollin n’a pas écarté l’idée qu’un tel projet puisse se réaliser à l’avenir. Toutefois, il a estimé qu’une telle initiative devrait, pour prendre forme, se faire en communication directe avec la population, et présenter une envergure plus modeste que le projet aujourd’hui annulé.

L’eau de Divonne, affirme-t-il, est une ressource que la commune se doit de valoriser : il souhaite réaliser ce but à travers les thermes de Divonne, ainsi que par le truchement de fontaine située à Divonne, pour que « les divonnais puissent profiter de leur eau ».

Action, réactions

Dans leur grande majorité, les personnes venues assister à la séance ont salué la décision du maire. Mais beaucoup ont aussi exprimé leurs doutes : certains voulaient connaître le montant de la pénalité, d’autres ont pressé l’élu sur le coût annuel des préparatifs à ce projet, en route depuis les années 1990.

Trois élus genevois ont été aperçus dans le public : deux conseillers municipaux versoisiens (messieurs Zimmerman, PS, et Chappatte, PDC) et une élue au Grand Conseil (Christina Meissner, PDC). M. Zimmerman et Mme Meissner ont remercié le maire pour sa décision, et se réjouissent à la perspective d’une meilleure collaboration avec la commune frontalière.

Quant à l’association « Stop Embouteillage », elle ne compte pas relâcher la pression. Dans une annonce faite le 9 septembre dernier, elle félicite ses membres et sympathisants qui se sont mobilisés « pour cette belle action citoyenne. Celle-ci a été déterminante dans la décision du maire de Divonne d’annoncer l’abandon du projet le 3 septembre 2019 ».

Pour l’avenir, « Stop Embouteillage souhaite continuer à travailler de manière constructive avec les élus divonnais, indépendamment de leur sensibilité politique, pour veiller que tout futur projet autour de l’eau soit mené dans l’intérêt général des habitants, en toute transparence et de manière éco-responsable ».

Texte et photos : Yann Rieder

auteur : Yann Rieder

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