En 2001, JJB anime un atelier du livre des élèves du Québec. Il en ressort un livre : Chicoutimi
C'était au temps où Bruxelles chantait ...
Jean-Jacques Busino face à lui-même en 2009
17.03.2011 par PAD
num.207 avril 2011 p.14
Jean-Jacques Busino crée le BUZZ

Une personnalité, un personnage hors du commun, cet habitant de Versoix qui a fêté ses 46 ans le 16 janvier dernier, est musicien - écrivain - producteur - homme à tout faire et ... Conseiller municipal depuis 4 ans. Il se nomme Jean-Jacques BUSINO. Le 8 avril prochain, il  va recevra le Prix Pittard pour son dernier "roman" - Le Cancer du Capricorne - paru il y a tout juste une année dans la collection Rivages chez Payot.

Cette distinction, décernée par la Fondation Pittard de l'Adelyn, récompense par un prix important soit un auteur genevois pour l’un de ses ouvrages publiés récemment, soit un écrivain genevois reconnu, pour l’ensemble de son œuvre.
Ce prix est depuis quelques années assorti d'un séjour résidentiel d'un mois au Château de Lavigny en compagnie d'autres écrivains du monde entier, pour peu qu'ils s'expriment en français et en anglais. C'est donc un bonne surprise pour Jean-Jacques Busino.  C'est aussi une juste reconnaissance de l'un de ses nombreux talents, celui d'écrivain.

Voilà bientôt 30 ans que JJ. Busino écrit. Du livre pour enfants (Chti-ver, illustré par Christine Conti Jaquier, Chicoutimi, Sac de noeuds) aux polars de Rivages/Noir (Un café, une cigarette; Dieu a tort; Le Bal des capons; La Dette du diable ; Le Théorème de l'Autre) ou dans Le Poulpe (Au nom du Piètre qui a l'Essieu). Son dernier livre nous propulse avec légèreté dans son univers cauchemardesque où se mêlent la souffrance due à sa maladie "orpheline" et à la mort de son fils, l'indignation, la révolte, le raisonnement, la confidence et la pertinence de ses réflexions ... impertinentes. Il considère l'écriture comme une musique, qui favorise probablement l'éclosion de l'émotion dans son propos.

Et l'on est touché, mais pas coulé, au contraire !

Infatigable, il prépare trois nouveaux livres : une histoire d'amour qu'il ne commente pas et une longue saga familiale qui part de l'unification italienne, se poursuit à travers plusieurs générations et se termine aujourd'hui où l'un des frères est parti pour s'installer en Suisse et l'autre reste en Italie et vote Berlusconi ! Le troisième livre en chantier demande encore un peu de recul puisque qu'il s'inspire de sa récente expérience dans la politique versoisienne ! Afin de favoriser l'émergence d'un centre culturel à Versoix, il s'est investi dans le conseil municipal au cours de la législature qui s'achève.
Parmi les trente livres qu'il a écrits, une dizaine ont été publiés. On peut lire les autres sur internet (www.recup.ch)

Mais l'écriture n'est pas la seule passion de JJB. Il vient d'achever l'enregistrement prestigieux d'un CD et d'un DVD d'oeuvres musicales enregistrées au BFM avec la cantatrice Eva Fiechter. Il produit des jingles, enregistre des chansons, compose de la musique, maîtrise l'informatique et dispose d'un studio d'enregistrement professionnel. C'est dire la polyvalence et les talents de cet hyperactif, durant le temps où la maladie lui laisse un peu de répit.

La Fondation Pittard a donc fait le bon choix en attribuant le prix 2011 à Jean-Jacques Busino. Versoix-Region l'en félicite très chaleureusement.

La présentation de Cancer du Capricorne décrit bien les atmosphères du livre mais ne dispense pas de le lire :

Pour Jean-Jacques Busino, le " bogue " de l'an 2000 n'a pas été d'ordre informatique. C'est son corps qui se met à dysfonctionner brutalement. Il est frappé par une maladie du système sanguin à l'origine mystérieuse, l'une de ces fameuses maladies " orphelines ", qui laisse le corps médical perplexe et dans l'incapacité de proposer un traitement efficace. Les manifestations de la pathologie n'en sont pas moins réelles et spectaculaires : éruptions cutanées, jaillissement spontané du sang sous les ongles, extrémités nécrosées, violentes douleurs qui ne peuvent être soulagées que par la morphine.

L'acte deux commence quelques années plus tard, alors que Busino est toujours malade mais encore en vie, contredisant tous les pronostics des médecins. Son fils André est renversé à vélo par un chauffard. L'accident provoque des dommages cérébraux irréversibles et laisse l'adolescent plongé dans un coma végétatif. De ces deux tragédies, Busino tire Cancer du capricorne, un récit de type autobiographique auquel se mêlent aussi des scènes dignes d'une fiction - et qui en sont probablement.
Pas plus que les précédents livres de l'auteur, on ne peut étiqueter celui-ci. Il s'agit d'une oeuvre hybride, totalement personnelle- et par son sujet et par son traitement -, qui se caractérise par un mélange de spontanéité et de réflexion longuement mûrie. Le projet du livre est annoncé d'emblée : " Reprendre l'histoire depuis le début et comprendre le pourquoi du comment. Regarder la situation comme si elle ne me concernait pas. " D'où le ton très inattendu de ce texte construit en deux mouvements, telle une étrange sonate, et placé sous le signe omniprésent de la musique, qui n'a cessé d'accompagner la vie de Jean-Jacques Busino.
Ce qui donne sa force à Cancer du capricorne, c'est la description clinique et curieusement distanciée de ce qui arrive à un corps humain devenant de plus en plus étranger à son propriétaire. Busino trouve les ressources morales et linguistiques pour jouer avec les mots de la mort et créer un climat ubuesque où domine une forme d'humour noir et décalé. Aussi autobiographique que soit la trame de ce récit, il se lit comme un roman, tant l'auteur se mesure frontalement à son sujet pour en éliminer toute trace de pathos et de sentimentalisme bon marché. En lieu et place de cela, il nous invite à de lumineuses remontées vers le temps de l'enfance et de la famille, du côté de l'Italie.
C'est l'occasion pour lui de poser les questions de la filiation, de la transmission et de la paternité. Lui qui dit avoir tant reçu de son père avoue, lucide, que " comme tous les pères de (sa) génération ", il n'a " rien transmis " à son fils. D'où la douleur inconsolable qui hante le deuxième temps du récit, la révolte ainsi que la tentation de la vengeance vis-à-vis de l'homme qui lui a volé la vie de son enfant. Toutes questions qui se ramènent à la plus fondamentale et la plus tragique : faut-il laisser " vivre " cet adolescent qui n'est plus qu'un corps souffrant ou mettre fin à ses souffrances ?
Ce " roman " des vies brisées est une confession intime, un bilan, mais aussi un partage. Partage d'un drame dont l'atténuation passe, pour cet " athée frustré ", par la seule rédemption possible : l'écriture. Une écriture simple, lumineuse, qui emprunte ses rythmes et ses métaphores à la musique, et gagne ce pari insensé : faire surgir du fond de la douleur humaine une oeuvre incroyablement tonique et vivante.

Voir aussi le site www.recup.ch

auteur : Pierre Dupanloup

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