20.11.2017 par MG
num.274 déc.2017-janv.2018 p.05
Paradise Papers et îles

L’investigation par l’ICIJ des contenus de ce qu’on appelle les Paradise Papers, qui font référence à Appleby , qui se spécialise en aidant ses clients, très aisés, à créer les entreprises dans les pays, souvent des îles, «off-shore». Il est évident que, pour un certain nombre de ces super-riches, l’idée est de minimiser leurs impôts. La compagnie est établie dans ces iles : selon le BBC, on peut les trouver en Bermuda, Jersey, Guernsey, British Virgin Islands, Cayman Islands, Mauritius et les Seychelles.
Assez souvent, ces super-riches adorent acheter leur propre avion. Tel fut le cas pour le champion du monde de Formule 1, Lewis Hamilton. Déjà, en 2007 Lewis qui est venu à Genève. Un peu plus tard il a quitté notre canton pour celui de Schwytz, d’où il est parti en 2010 pour Monaco. On peut supposer que ces déménagements successifs ont un lien avec les impôts qu’il payait. Ensuite, étant devenu le pilote de F1 le mieux payé, comme beaucoup des super-riches, il a décidé d’acheter son propre avion : un Bombardier Challenger 605, qu’il enregistre avec l’identification G-CLDH. A ce moment, malgré sa fortune qui dépassait de loin le prix d’achat, il ne voulait pas payer la TVA pour l’importer de Canada en Europe. Donc, l’avion a été importé en Europe via l’île de Man, avec l’aide des « entreprises » en Guernsey, Malte and British Virgin Islands. En plus, cet engin était enregistré via une nouvelle société dans l’île de Man, qui n'existait que pour se louer l’avion à lui-même. Ainsi, il n’avait pas l’obligation d’enregistrer l’avion à l’île de Man ! Son avion est venu à Genève plusieurs fois en 2016, mais pas en 2017.
D’autres richissimes individus ont choisi d’enregistrer leur avion dans l’ile de Man, avec une immatriculation commençant avec la lettre M, suivi par 4 caractères. Ça donne déjà l’indication du nombre d’avions qui y sont enregistrés : en Suisse l’ensemble de tous nos appareils ont le format HB-xxx. Par exemple, Jim Ratcliffe,le CEO de l’entreprise INEOS, qui vient d’acheter Lausanne FC, possède trois avions : M-USIC,M-ISTY and M-INTY (plus un autre I-NEOS, enregistré en Italie !).
Beaucoup d’oligarques russes aiment aussi avoir leur avion «privé» : certains d’eux utilisent l’île de Man, comme Andrey Melnichenko, qui préside le Siberian Coal Energy Company (SUEK) et l’entreprise Eurochem. Son Boeing Business Jet (BBJ) 737 est immatriculé M-YBBJ. Un autre russe est Dmitry Rybolovlev, qui possède 67% du club de foot AS Monaco.
Une autre île mentionnée dans ces Paradise Papers, c’est Aruba, aussi connue (!) pour un hibou qui construit son nid sous terre
http://www.dcnanature.org/aruban-burrowing-owl-7/
Aruba est également réputée pour d’autres objets volants : c’est une île qui permet d’enregistrer des jets privés. Le plus grand de ces avions est peut-être le Boeing 737 Business Jet (BBJ) de l’oligarque kazakh Timur Kulibayev, gendre du président Nursultan Nazarbayev . Timur, dont la fortune est estimée à $2,3 billions, fut nommé comme l’homme d’affaires le plus important du pays, a beaucoup d’influence sur l’industrie d'hydrocarbures : il est également membre du conseil d’administration de Gazprom. Son avion, immatriculé P4-KAZ, est venu à Genève plusieurs fois cette année.
Il y a aussi, les iles Maurice, que nous pouvons visiter en utilisant un vol chaque vendredi dans un avion construit il y a 20 ans, très bruyant, mais accueilli avec plaisir par notre aéroport. Le 11 novembre le journal vaudois Le Matin a fait une enquête sur «L’étrange nuit d’employés de Dufry à l’Île Maurice ». Pour citer l’article :
C’est une scène digne d’un James Bond. En février 2015, deux ministres de l’île Maurice ont retenu deux cadres de Dufry dans un luxueux appartement pour leur extorquer des documents secrets en lien avec des soupçons de corruption. Les pots-de-vin auraient été versés via une société suisse.
Dufry, dont le siège est à Bâle, est un géant sur le marché des duty free. La multinationale gère un quart des zones dédouanées aéroportuaires du monde. Le 1er décembre 2013, le PDG de Dufry, Julian Diaz, conclut un contrat d’exclusivité avec les autorités mauriciennes de l’époque pour exploiter le magasin dédouané de l’aéroport. En 2015, un nouveau gouvernement prend les rênes du pays. Le contrat avec Dufry devient une épine dans le pied des autorités, les nouveaux ministres soupçonnant le groupe bâlois d’avoir versé des pots-de-vin.
Il y a d’autres références des Paradise Papers à l’ile Maurice, par exemple l’entreprise GMR, d’Inde qui, selon le journal The Indian Express, «From Mauritius to Malta, GMR set up web of 28 offshore firms to drive expansion».
En conclusion, si vous allez en vacances dans une ile où vous voyez des bâtiments anonymes, probablement vides, mais ayant un très grand nombre de boites postales portant les noms des sociétés, vous êtes probablement au Paradis !

auteur : Mike Gérard

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