24.04.2017 par MG
num.268 mai 2017 p.07
Le bon vieux temps

Il était une fois, dans un petit pays au centre de l’Europe, deux petites villes paisibles : Vernoix et Versier. Entre les deux sinuait une route qui permettait une cohabitation des modes de transports agréable. Les parents promenaient leurs petits enfants dans leur landau, les enfants moins jeunes apprenaient à rouler en vélo, les ados zigzaguaient en boguet et les familles circulaient dans leur voiture, parfois même en apprenant à conduire aux jeunes.
Tout allait bien jusqu’au jour où une nouvelle entreprise s’établit à mi-chemin. Elle s’appelait CITI : COmpagnie INnovatrice pour TRansport INter-villes. Avec l’appui des autorités de la région, CITI a éliminé le chemin pédestre et la voie réservée aux cyclistes, afin d’élargir la route pour permettre le passage des taxis, des cars et des camions. Il en a résulté une diminution progressive du nombre de véhicules à deux roues. Ensuite, par mesure de sécurité, il avait été décidé d’interdire l’apprentissage de la conduite des voitures.
Grâce à l’élargissement de la route et l’élimination des chicanes, la limitation de vitesse a pu être augmentée et les camions de plus en plus larges furent autorisés, ce qui a considérablement dégradé la qualité de vie des familles habitant tout près de la route. Ces derniers, pas du tout contents de la situation, ont organisé et signé une pétition adressée au gouvernement de la région pour demander que ces nuisances soient limitées et les véhicules particulièrement bruyants ou polluants soient interdits pendant la nuit.
Avant le débat qui a suivi au parlement, le CEO (Chief Executive Officer) de CITI a exprimé son étonnement. Selon lui, chaque année le nombre de passagers transportés sur cette route augmentait beaucoup, bien que le nombre de véhicules, lui, n’augmentait que très peu. A propos de l’augmentation très limitée du nombre de véhicules du type "people-movers", il constate que dans l'augmentation du nombre de véhicules est compris 1% de véhicules électriques, plus 0.1% qui fonctionnent en transformant en énergie les déchets de la cuisine. Par ailleurs, il fut rappelé aux membres du parlement que le CITI avait dépensé 0.01% de ses bénéfices pour offrir à chaque personne habitant à moins de cinq mètres de la route un casque anti-bruit et un masque anti-pollution couvrant le nez et la bouche.
La commission de l’économie a ensuite entendu un discours du CFO (Chief Financial Officer) de CITI. Selon lui, CITI proposait une aide à toute personne voulant déménager vers un meilleur endroit. Lui personnellement habite un endroit calme, avec vue sur un lac et les montagnes, où réside déjà une Cologny [sic] de banquiers, traders et autres gens très honnêtes. Il y reste encore quelques modestes résidences avec une hypothèque très abordable: un minimum de seulement un million de CHF en fonds propres et un revenu comparable avec celui d’un simple conseiller d’Etat.
Pour les quelques pauvres gens qui ne peuvent pas obtenir une telle hypothèque, la CITI propose d’offrir un rabais de 10% sur les casques de réalité virtuelle incluant une application simulant une promenade sur la route de campagne originale avec bien sûr une assurance vie en cas d’écrasement par un vrai camion.
Finalement, à la suite d’un débat houleux tous les membres de parlement ont voté selon la position initiale de leur parti politique : la pétition fut refusée.
Ah, le bon vieux temps !

auteur : Mike Gérard

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