05.10.2016 par CS
num.264 déc.2016-janvier p.08
Commerçants de Versoix: l'Artists' Pub, un bar pas ordinaire

Qui sont les commerçants et artisans de Versoix ? Comment vivent-ils les mutations de notre époque, qu’elles soient locales, avec la transformation de la ville, ou mondiales, par la concurrence d’internet ?

Lorsque l’on passe la porte de l’Artists’ Pub, on est tout de suite ébloui par le décor et les jeux de lumières qui scintillent aléatoirement au rythme de la musique. Au fond, une scène et quelques microphones. Les vendredis et samedis soirs, des musiciens et DJ’s s’y produisent et font danser le public. Les soirs de semaine, la scène appartient à celui qui ose prendre le micro et interpréter la chanson de son choix. Tout en s’occupant des quelques clients installés sur la terrasse qui profitent des derniers rayons de soleil de la journée, Tan Chaney nous parle fièrement de son bar à thèmes.

- Versoix-Région : Depuis combien de temps tenez-vous ce pub?
Cela fait bientôt treize ans qu’existe l’Artists’ Pub à Versoix. Un bar existait déjà à cet emplacement avant que les locaux soient entièrement rénovés et qu’ouvre celui-ci en 2004.

- V-R : Pourquoi avoir décidé de venir implanter votre commerce à Versoix ?
J’habite en France voisine, mais je connaissais bien Versoix car j’avais plein d’amis qui y habitaient. Je tenais déjà un pub en France, et comme j’aime beaucoup la ville de Versoix, j’ai eu envie d’y ouvrir un second bar, un bar musical.

- V-R : Comment décririez-vous votre clientèle, aujourd’hui ? Comment a-t-elle évolué au fil du temps et plus particulièrement ces quatre dernières années, au cours desquelles d’importantes transformations ont été faites autour de la gare?
Nous avons la chance d’avoir une clientèle régulière dont une partie vient de très loin. Comme c’est un bar à thèmes, qui propose notamment des soirées karaokés, les gens viennent de tout Genève, mais aussi de Lausanne, et même de Morges, pour prendre le micro. Nous sommes ouverts tous les jours, de 17h à 02h du matin. Certains préfèrent venir en début de semaine, car ils savent qu’il y aura moins de gens et qu’ils pourront chanter beaucoup plus. Le jeudi, il y a beaucoup trop de monde pour pouvoir interpréter plusieurs chansons. Nous recevons des gens de tout âge qui viennent chanter, écouter des concerts le vendredi ou juste boire un verre. C’était un peu embêtant pendant les deux ans de travaux car l’accès au pub était difficile et l’environnement peu attirant. Mais nous sommes aujourd’hui très contents qu’il y ait le Boléro et le Lake Geneva Hôtel à côté, qui nous envoient bon nombre de leurs clients. Nous recevons également la visite de leurs employés. Et le quartier est bien plus joli maintenant.

- V-R : Vous êtes donc satisfait de l’emplacement de votre bar?
Oui, la commune nous a même récemment permis d’agrandir la terrasse. La seule chose dont nous pouvons nous plaindre est le manque de places de stationnement. C’est actuellement beaucoup plus compliqué de garer sa voiture par ici. Les autorités sont trop sévères avec nos clients. Ces derniers se plaignent de l’absence de places à proximité et des amendes qu’ils reçoivent s’ils stationnent mal leurs voitures. Comme il n’y a pas d’habitations collées au pub, nous ne rencontrons pas de problèmes dus au tapage nocturne. Le bâtiment est bien insonorisé et nous faisons le nécessaire pour que nos clients ne fassent pas trop de bruit à l’extérieur du bar. Il y a quelques années, la Mairie nous a proposé de déménager, là où se trouve actuellement le Boléro. Le prix du loyer était exorbitant et il ne nous était pas possible de suivre. De plus, nous n’aurions pas pu continuer à proposer des concerts et des soirées karaoké sans déranger les personnes qui habitent autour.

-V-R : Comment expliquez-vous le succès de votre bar ?
Vous savez, des bars à karaoké, il n’y en existe pas beaucoup dans la région. Il y avait le Trois-Huit à Vésenaz, mais il a fermé. Ses clients viennent maintenant chez nous. De nombreux habitués font le déplacement depuis très loin pour profiter de notre matériel de qualité et de notre répertoire musical étendu. Notre bouquin de chansons témoigne de vingt-cinq ans d’organisation de karaokés et reste très apprécié de nos clients. Le succès de l’Artists’ Pub repose sur la diversité des soirées que nous proposons. Ce n’est pas un bar ordinaire, c’est un bar à thèmes dans lequel nos clients peuvent chanter certains soirs, écouter des musiciens locaux, ou danser sur des tubes mixés par un DJ .

- V-R : A l’inverse de nombreux petits commerces de la ville de Versoix, votre établissement ne souffre pas des mutations de la ville ni de la concurrence. Que préconisez-vous pour la survie de ceux qui peinent à faire tourner leur commerce et risquent de brièvement devoir mettre la clef sous la porte?
Comme les bars et lieux nocturnes pour se divertir sont rares à Versoix, et qu’aucun ne propose des soirées comme les nôtres, nous ne souffrons d’aucune concurrence. Malheureusement, nous risquons quand même aussi de devoir fermer le pub dans deux ans et demi, lorsque notre contrat de bail prendra fin. Le propriétaire a un projet de construction immobilière. Ce serait une vraie déception pour nous comme pour nos clients, qui n’auraient alors plus aucun lieu dans la commune pour chanter ou boire une bière à un prix abordable et tout en profitant de la musique.
Les commerçants qui veulent rester dans la course se doivent d’innover. Il faut qu’ils sortent de l’ordinaire, qu’ils recherchent la nouveauté et proposent des services originaux et diversifiés. Mais le handicap pour les commerçants versoisiens demeure le manque de places pour stationner les voitures. Je pense que la commune devrait en prévoir davantage à proximité des commerces. Ce serait déjà d’une grande aide !

- V-R : Comment envisagez-vous l’avenir pour votre activité et vous-même ?
Nous allons continuer à proposer nos soirées à thème pendant en tout cas encore deux ans et demi, à savoir jusqu’à la fin du bail. Si le propriétaire décide de le renouveler encore une fois, nous serons très heureux de rester encore bien longtemps. Dans le cas contraire, nous n’avons pour l’instant pas trouvé d’autre local à un prix raisonnable et propice à accueillir un bar à karaoké.

Le propriétaire de l’Artists’ Pub est très satisfait du succès de son établissement, succès qu’il attribue à l’originalité et la diversité de soirées qu’il propose, attirant ainsi une clientèle large et fidèle. Pourtant, il sait que si le projet de construction immobilière au chemin Jean-Baptiste Vandelle se concrétise, il devra partir ; et qu’il ne pourra malheureusement rien y faire. Si l’Artists’ Pub ferme définitivement ses portes, quelles resteront les alternatives pour les Versoisiens désireux de sortir s’amuser près de chez eux, sans devoir se déplacer jusqu’à Genève ou à Nyon? Voilà une question qui en inquiète plus d’un…


Texte et photo: Carla da Silva
 

auteur : Carla Da Silva

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