19.04.2016 par MG
num.258 mai 2016 p.05
La privatisation des aéroports

Mes lecteurs fidèles auront vite compris que mon article intitulé «Aéroport à vendre» n’était qu’un poisson d’avril. Néanmoins, selon le dicton en anglais, “many a true word is spoken in jest”, qu' il y a parfois la vérité derrière les blagues.

Je viens de recevoir un rapport d’une association qui s’appelle Airports Council International (Europe), dont le titre est THE OWNERSHIP OF EUROPE’S AIRPORTS 2016. Selon celui-ci, en 2010, les aéroports furent considérés comme la propriété des départements de l’État, qui devraient être responsables pour l’infrastructure. Or, aujourd’hui ce n’est de loin plus le cas. Il indique qu’actuellement plus de 40% des aéroports européens ont vendu une participation à des privés. En plus, ce sont ceux qui, en total, sont responsables d'environ trois quarts des passagers.

Alors, qui sont les organisations privées qui s’investissent dans les aéroports, et pourquoi ? Un exemple frappant : la caisse de pension canadienne « Ontario Teachers’ Pension Plan », qui possède des actions dans plusieurs aéroports européens, en particulier celui de Bruxelles. Ce fond s’intéresse également à la vente des aéroports français à Nice et à Lyon, ainsi que celui de Londres Cité. Il est à noter qu’en 2015, selon la presse en France, l’aéroport de Toulouse-Blagnac allait être vendu par l’État à un consortium chinois.

Le «pourquoi» semble être évident. Presque tous les aéroports gagnent de l’argent, pour deux raisons. Premièrement, leurs clients sont les compagnies d’aviation qui, bénéficiant des conditions financières très favorables (pas de taxe sur les carburants, dont le prix est déjà très bas, ni la TVA), vendent de plus en plus de leurs produits (les vols), parfois à des prix ridiculement bas. Ensuite, les aéroports font de plus en plus de bénéfices en accueillant les boutiques, parfois dans les zones hors taxe. Résultat : les investisseurs peuvent être presque certains que l’aéroport dans lequel ils investissent gagnera de l’argent.
En Suisse, les aéroports de Genève et Sion sont toujours publics, appartenant respectivement au canton de Genève et à la ville de Sion. L’aéroport de Basel (qui est en France!) est également public. Or, les aéroports de Zurich et de Berne sont majoritairement privés.

Peut-on envisager la vente d’un aéroport suisse actuellement public ? Est-ce que le Conseil Fédéral mettrait un veto ? Deux bonnes questions, mais si on considère que notre ministre de l’économie, Monsieur Schneider-Amman n’a rien fait quand le géant chinois ChemChina a acheté Syngenta, on peut avoir des craintes !

N’est-il pas nécessaire que notre Conseil d’État nous assure qu’il gardera pour toujours la main sur notre aéroport ?

auteur : Mike Gérard

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