19.12.2015 par ro
num.255 février 2016 p.15
Un conte de Noël vécu.

Voici un conte de Noël, que j’ai vécu le 16 novembre entre la gare Cornavin et la Villa Ragnelli en fin de journée.

Vers 15 heures, j’attendais à Cornavin le bus V pour Genthod. J’ai fait un tour dans la gare grapillant ça et là, dans les distributeurs, des chocolats (j’en avais bien une trentaine !).
J’avais remarqué une étrange « caravane » composée de trois hommes (lourdement chargés) de trois femmes et de trois petites filles, elles aussi chargées comme des bourricots ! Une montagne de sacs hétéroclites étaient posés (entassés) sur une poussette : au moins 15 sacs, attachés par des ficelles …
Tiens me suis-je dit : « Ils me font penser à Joseph et Marie en partance pour Bethléem afin de se faire recenser. »
Le bus arrive, nous montons. Le chauffeur, un « peu à la bourre », ferme les portes et oublie « le chef de la caravane » sur le trottoir. Ni une, ni deux … « François me dis-je, c’est pour toi ! » et je me suis mis à hurler et engueuler le chauffeur qui a enfoncé sa pédale de freins.
Le « méhariste » est monté dans le bus, chargement compris !
Là, un homme « basané » s’est mis à leur parler en arabe puis est venu vers moi et me dire que lui descendait à Montbrillant et m’a demandé si je pouvais m’occuper d’eux jusqu’à Versoix, ce que j’ai accepté.
Je ne parle ni arabe, ni anglais, le grec et l’italien, mais pas l’arabe ! Ah oui, je parle aussi un peu la langue des signes !
Ces « Bédouins »m’ont montré trois feuilles A4 émanant de l’Hospice Général dont une stipulait qu’ils devaient se rendre à la Villa Ragnelli où ils seraient hébergés !
Tout a tourné très vite dans ma tête. Je devais me descendre à « Valavran » pour aller chez ma fille (celle qui avait la boutique de laine « La Pelote » au 45 de la route de Suisse, vous connaissez ?)
Gare de Versoix jusqu’à la Villa Ragnelli, avec tout cet attirail, ils allaient se promener dans la noirceur de la nuit et ne trouver aucune « étable » assez grande pour eux !
Dans la « discussion », le chef m’a dit qu’ils n’avaient pas mangé depuis le matin … et c’est là qu’interviennent mes chocolats achetés précédemment. Distribution.
Après ce petit ravitaillement, je suis allé discuter avec le chauffeur du bus qui m’a dit de descendre à « Ecogia », et de faire 500 mètres à pied pour rejoindre la Villa Ragnelli. Encore un truc pour user « les babouches » !
Nous descendons à Ecogia, c’est la première fois que j’allais par là ! Nous étions dix personnes au carrefour. Tout à coup, une voiture de la police municipale de Versoix se pointe :
- Où allez-vous ?
- A la Villa Ragnelli.
Vous auriez du voir l’étonnement de ces deux jeunes agents, un garçon et une fille.
Heureusement que nous avions le laissez-passer de l’Hospice Général !
Je leur ai expliqué tout ce que je viens de vous décrire plus haut et leur ai demandé de charger ces personnes afin de les amener à destination.
- Pas possible !
Mais face à mon obstination, ils ont téléphoné à leur chef qui a été d’accord pour qu’ils prennent trois personnes, sans leurs bagages (peur des attentats ? il faut dire que c’était trois jours après les événements de Paris).
J’ai insisté, insisté et … les jeunes policiers ont fait des voyages, par groupes de trois personnes et un pour les bagages. Le chef de la caravane et moi-même sommes partis à pied sur la route où les policiers sont revenus nous chercher pour nous mener à destination.
Tout s’est terminé par des embrassades et des photos devant la villa.
Merci à ces deux agents qui se reconnaîtront sans doute.

Ces Iraquiens sont des réfugiés qui peut-être sont encore sur place. Merci à tous. Merci la Suisse pour ton accueil.
Pour couronner le tout, comme l’aurait dit Melchior, les deux agents m’ont amené chez ma fille, au chemin de la Dîme.

François Roubin
Les Breuleux (Jura)

auteur : rédacteur occasionnel

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