14.08.2015 par ALBB
num.251 septembre 2015 p.01
Versoix : cité d'accueil

Après avoir surfé sur la vague "Cité Energie", notre ville joue une nouvelle carte : celle de l'accueil. En effet, la vague de réfugiés qui arrivent en Italie et en Grèce doit être reçue en Europe. La Suisse participe à cet effort.

Ce drame humain ne peut laisser indifférent, raison pour laquelle les autorités versoisiennes ont accepté d'ouvrir un abri PC, celui de l'EMS Bon-Séjour. 90 hommes y logeront à terme.

A Versoix, cela se justifie particulièrement, parce que la population est une véritable mosaïque multi-culturelle. Même s'il y a parfois des problèmes, les relations entre les habitants sont agréables. L'arrivée de nouveaux visages devrait se dérouler sans encombre. Tous les services communaux et cantonaux collaborent pour assurer un bon suivi.

L'abri PC est donc le domicile provisoire de ces hommes. D'après les responsables, ses occupants font preuve de solidarité entre eux, même s'il est difficile de communiquer puisqu'ils ne parlent pas tous la même langue. Ils essaient de créer une atmosphère cordiale entre eux, malgré les différences culturelles et les mauvais souvenirs qui les hantent. Une famille "Tour de Babel".

Il s'agit principalement d'Erythréens, Somaliens, Syriens et autres Afghans. Leur séjour dans notre commune est provisoire puisque les abris PC ne sont que des solutions à court terme. Il doit leur permettre de mieux appréhender le mode de vie en Suisse en apprenant le français et en trouvant des occupations. Les deux ou trois premiers mois, ils attendent justement que ces activités se mettent en place : le temps peut leur paraître long.

Les chiffres des personnes qui tentent de rejoindre notre continent ne cessent d'enfler. Bientôt, ce seront 200'000 qui auront accosté les rivages européens. L'Italie et la Grèce ne peuvent assumer seules l'accueil, ce d'autant plus que ces pays font face à des problèmes économiques graves.

Derrière les statistiques sont cachées des histoires individuelles.

Appelons-le John ! Il a été dirigé à Versoix juste avant le 1er août, ce qui lui a permis de venir aux festivités sur le quai. Il a été impressionné par les feux et l'ambiance. John a 27 ans et il vient d'Erythrée. Il est formé comme professeur de sport, spécialité : volley-ball. Il a travaillé dans une école secondaire. Son directeur d'établissement l'a fait incarcérer pour un désaccord. Il est resté en prison 6 mois pour cette "raison". Après sa libération, il a tenté de fuir le pays, mais s'est fait arrêter à la frontière. Il a été enrolé de force à l'armée où il a été contraint de servir pendant 11 mois. Alors qu'il était de faction à la frontière, il s'est évadé au Soudan, pays qu'il a dû traverser. Cela a pris une année et quatre mois. Lorsqu'il a atteint la Lybie, il a été arrêté et incarcéré durant deux mois et demi. Ensuite, il a rejoint la côte dans le but d'embarquer pour l'Europe et venir en Suisse.

Son périple dangereux aura donc pris plus d'une année et demie, sans compter la durée de son incarcération et l'armée qui a suivi. Son rêve le plus cher est simplement de vivre librement, d'être reconnu comme une personne, de pouvoir être utile et subvenir à ses besoins. Il est prêt à apprendre, le français bien sûr, mais aussi un autre métier si nécessaire.

Une réalité flagrante
Les réfugiés ne quittent pas leur patrie, leurs familles, leurs amis, sans raison. Ils fuient principalement pour des raisons telles que dictature ou guerre. En sachant que, depuis la Libye, il y a une chance sur 500 de mourir, on n'embarque pas pour le plaisir.

Un peu d'histoire
Les tableaux bucoliques de Hodler cachent une réalité historique oubliée : la misère était le lot d'une majorité de la population suisse il y a 100 ans à peine. Beaucoup d'habitants se sont exilés pour des raisons économiques principalement en Argentine, aux USA ou au Canada. Ces concitoyens ont été accueillis dans leurs nouvelles patries. Bon nombre de leurs descendants ont encore notre nationalité, quand bien même ils ne parlent pas nos langues et n'ont jamais vu le pays. Avant ce "débouché", de nombreux Suisses se sont engagés comme mercenaires pour des puissances étrangères, faute de trouver du travail, avant que cela ne soit interdit en 1848. Vers l'an 1500, on estime même que 10 à 12% de la population était engagée dans des armées étrangères. Notre opulence n'est que récente (après la 2ème guerre mondiale). Cette réalité ne devrait pas être oubliée et permettre une meilleure compréhension de la réalité actuelle.

Il est indéniable que l'Europe ne pourra pas accueillir tous les candidats qui débarqueront. Il faudra organiser une coordination internationale pour essayer d'endiguer le flot des réfugiés en

  • aidant à la pacification des région en guerre et épaulant la reconstruction. La balle est dans le camp des gouvernements et autres institutions internationales.
  • soutenant les pays en voie de développement, offrant ainsi un avenir à ceux qui rêvent de partir vers l'Eldorado européen. L'engagement 0.7, officiellement reconnu nécessaire, mais de loin pas appliqué est l'une des solutions pour améliorer la situation. A quand son application ?

Personne n'abandonne son pays, sa famille, ses amis, en risquant sa vie, de gaieté de cœur.
 

auteur : Anne Lise Berger-Bapst

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