En costume lors de la fête du 200ème
18.06.2015 par AP
num.250 juillet 2015 p.08
Bernard Levrat : le doyen high-tech du CM

S’il faut reconnaître les mérites des jeunes qui se lancent en politique, il ne faut pas oublier ceux qui ont tracé leur chemin il y a longtemps, et qui réussissent à rester en scène malgré les changements des années. Depuis les élections de cette année, Versoix compte parmi ses élus le plus vieux conseiller municipal du canton de Genève. Il s’appelle Bernard Levrat, fête ses 79 ans cette année, et commence son troisième mandat au Conseil municipal.

1, 2, 3 mandats

Si Bernard Levrat fréquente le milieu politique depuis des décennies, son parcours politique est tout sauf linéaire. Son premier mandat dure de 1967 à 1971. Inspiré par son père, qui n’est autre qu'un des fondateurs du PDC versoisien, Bernard se tourne naturellement vers ce parti, qui lui semble se baser sur un bon mélange de valeurs sociales et de libéralisme économique. Cependant, sa famille le réclame, et il quitte la scène politique pour passer plus de temps avec ses trois garçons. Il laisse alors la place à sa femme, Monique, qui siège à son tour au CM dans le même parti, et ce pour huit ans. En 1983, après une année sabbatique familiale en Californie, Bernard Levrat entame sa deuxième législature. A la fin de ce mandat, il juge qu’il est temps de laisser place aux plus jeunes. Mais la relève ne vient pas, et le manque de nouveaux candidats le pousse à se représenter. Il est élu pour son troisième mandat en 2015.

Des souris et des hommes

Les connaissances de Bernard Levrat ne s’arrêtent pas au monde politique. Titulaire d’un doctorat de physique des Etats-Unis, il a commencé par travailler au CERN. Alors qu’il essaie de convaincre ses collègues de la nécessité d'engager de programmeurs informatiques, ceux-ci le poussent devant les immenses ordinateurs de l’institution. Une nouvelle voie s'ouvre à lui, qui le conduit bientôt à la tête du service informatique de l’Université de Genève, et devient vice-recteur. A une époque où la technologie était en plein essor, sa position d’informaticien était prestigieuse : « On était les rois à l’époque, jusqu’à l’arrivée du PC. Maintenant tout le monde croit qu’ils savent tout faire. On a perdu tout prestige. » Lors des élections de 1967, il est à la fois candidat et l’informaticien responsable des programmes de calculs de résultats des votes.

En 1978, il développe un système d’entrée au doigt (oui oui, comme l’écran tactile de votre smartphone), pour concurrencer la classique souris d’ordinateur. Il se déplace même à Washington pour présenter ses avancées. Avec ce système, une nouvelle technique de reconnaissance des signatures est possible. Il ne s’agit non pas de comparer la forme des copies de signatures, mais les accélérations de la main quand elle l’écrit, mouvements qui sont difficiles à fausser. Il présente son projet au Salon des Inventions avec un de ses fils, Nicolas, qui s’avère être d’une aide utile... jusqu’à ce qu’il arrive à imiter la façon de signer de son père, et mette ainsi la machine en déroute.

Bernard Levrat se spécialise par la suite dans l’enseignement assisté par ordinateur, et lance l’idée du « Campus virtuel suisse », auquel il se consacre de 1996 à 2001. A sa retraite, il est contacté par la Direction du développement et de la coopération pour monter un programme de cours virtuels pour les universités francophones africaines. Cette expérience l’inspire, et il décide de créer des ateliers informatiques pour les personnes âgées. C’est ainsi qu’il entre dans l’association versoisienne des seniors Les Flots Bleus. Au fur et à mesure qu’il s’engage, il réalise qu’un poste de conseiller municipal serait un bon moyen de défendre les intérêts de l’association.

Qui a dit « trop vieux » ?

Entre son premier mandat et l’actuel, presque 50 ans se sont écoulés. Et pourtant, Bernard Levrat est loin de s’accrocher à ce qui est derrière lui. «En étant dans le domaine informatique, on ne peut pas souhaiter que la société reste comme elle a toujours été, on est obligé de se tourner vers l’avenir, d’adapter notre société à ce qui se passe.» Evolution drastique de Versoix-Centre et de la Scie, augmentation du budget et explosion du personnel communal consacré au social, telles sont les modifications que le doyen du CM a constatées au fil des années. « Il faut qu’on repense notre manière de concevoir Versoix », conseille-t-il, en suggérant une nouvelle ligne de bus, voire une sortie d’autoroute versoisienne. Du haut de ses années d’expérience en politique qui lui ont appris l’art du compromis, Bernard Levrat reste en phase avec son temps. «S’il y a en a qui me trouvent trop vieux, je suis prêt à faire un test de compétence ! À condition qu’ils le fassent aussi...» Des volontaires ?

auteur : Anouk Pernet

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