12.10.2014 par ro
num.243 novembre 2014 p.05
Où sont les valeurs d'antan ?

Où sont les valeurs d'antan ? (Lu dans la presse suédoise)

Voici un résumé d'une analyse lue dans le magazine suédois Ordfront (no. 5/2014).

Nous avons une société qui a fait de la croissance économique son premier objectif. Même si l'on dit que ce n'est qu'un moyen, nous n'agissons pas comme cela en pratique. Pour nous la croissance vaut plus que la démocratie, l'environnement et les droits humains.

Selon les enquêtes, l'environnement est la quatrième question en ordre d'importance pour l'électorat suédois. Pour d'aucuns ceci serait un signe de prise de conscience, mais n'est-ce pas un peu comme si la quatrième question à aborder pour les Anglais en 1939 était la menace de l'Allemagne nazi ?

La question du climat est tombée dans un vide politique. Après Al Gore, il y eut une sorte de lune de miel climatique en 2007, pendant laquelle tous les partis politiques se munirent d'une politique sur le climat en exprimant leur préoccupation et sens de responsabilité devant un public consterné. Par contre, aux récentes élections suédoises de 2014 le climat est rarement mentionné, et uniquement en association avec « la » question brûlante: l'emploi.

En effet on dirait presque que les changements climatiques sont quelque chose de plutôt positif : un « défi », voir une « chance » pour la Suède, une « brèche » à combler par le biais de l'investissement dans la « technologie verte » et la création de plein d'emplois.

Les dernières conférences sur le climat ont révélé l'envergure du problème et du coup nos politiciens ne sont plus capables de l'aborder directement. Car ils ont bien compris que la cause de l'échauffement climatique est l'usage des combustibles fossiles : or, la croissance économique – y compris le développement soi-disant « durable » - demande une augmentation constante de la production, laquelle demande à son tour une augmentation de la production d'énergie, qui provient à 80% des combustibles fossiles.

Proposer une réduction de la croissance ou de la production de l'énergie, c'est le suicide politique, synonyme de s'attaquer aux bases mêmes de notre société. A moins que le monde entier s'y engage simultanément, et un tel accord n'est pas vraiment dans l'air des temps.

On évite donc de nommer les deux aspects clé de la question climatique : d'abord son urgence – pourtant bien mise en évidence par les rapports des chercheurs et les impacts physiques déjà en cours devant nos yeux - et ensuite ce lien climat-énergie.

Cette analyse est tout à fait applicable en Suisse, voire partout dans le monde « développé ». Nos « leaders » ne font pas preuve de leadership. A quand une vraie prise de conscience qui mette en question la croissance économique comme valeur absolue, en remettant au centre notre relation avec l'environnement. Après tout, c'est lui qui nous fournit littéralement tout... mais jusqu'à quand?

Nigel Lindup

auteur : rédacteur occasionnel

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