06.08.2014 par MJi
num.242 octobre 2014 p.24
Le retour de la Loutre

 La loutre de retour en Suisse par Genève !
Le 24 novembre 1951, dans une lettre concernant la réintroduction du castor, adressée à Archibald Quartier (inspecteur cantonal de la chasse de Neuchâtel), Robert Hainard disait: « … Quant aux Loutres, il suffirait d’arrêter leur destruction. Il y en a encore et comme elles se baladent beaucoup… »
Depuis le début du printemps, une loutre a été repérée à plusieurs reprises au bord d'une rivière du canton de Genève. Sa présence a été découverte par hasard, dans le cadre des mesures de suivi du castor conduites par les spécialistes de ce rongeur, en collaboration avec les gardes de l'environnement genevois. Contre toute attente, une loutre au moins a été surprise par les pièges-photographiques placés sur les berges.
Les analyses génétiques des prélèvements effectués sur place par les gardes de l'environnement viennent de confirmer formellement l'identité de l'animal, permettant d'annoncer - à l'occasion de la Fête de la nature - le retour en Suisse de cette espèce indigène après 25 ans d'absence.

La formidable vitalité d'une espèce indigène
La loutre a connu en Europe centrale une histoire en dents de scie. Traquée pour sa fourrure ou accusée de faire du tort aux poissons, elle a fortement souffert des campagnes de destruction du passé. Ses effectifs ont ainsi énormément diminué en Suisse au cours de la première moitié du 20e siècle. C'est à grand peine que Robert Hainard, le célèbre naturaliste genevois, l'observait parfois au bord du Rhône genevois, avant la construction du barrage de Verbois. Protégée en 1952, mais dépendant directement des milieux aquatiques, la loutre a encore décliné suite à la destruction de son habitat. On estime aujourd'hui que l'assèchement des zones humides et la pollution des cours d'eau ont porté un coup fatal à cette espèce : depuis les années 1990, la loutre était considérée comme éteinte en Suisse.
 C'était sans compter sur la vitalité de cette espèce : au cours des dernières décennies, la tendance semble s'être inversée dans les pays où la loutre a subsisté ! Ainsi, en France, cette espèce très discrète recolonise progressivement les rivières, à l'instar de l'Arve savoyarde, tirant parti de la protection dont elle bénéficie. Bien que l'origine de la loutre revenue spontanément à Genève soit encore incertaine, elle s'inscrit selon toute vraisemblance dans le cadre de cette reconquête régionale.

Le retour du chaînon manquant des cours d'eau
Située au bout de la chaîne alimentaire, la loutre a besoin d'une eau de bonne qualité et de rivières poissonneuses. L'expansion récente de cette espèce témoigne des progrès accomplis en matière de gestion piscicole et de protection de l'environnement. Ainsi, à Genève comme dans de nombreuses régions, d'importants efforts ont été consentis par la collectivité durant les dernières décennies en matière d'assainissement des eaux usées. La qualité de l'eau rejetée dans les rivières du canton s'est ainsi considérablement améliorée durant cette période. De plus, le programme de renaturation des cours d'eau du canton de Genève permet depuis plus de 10 ans de valoriser ces résultats en rétablissant des berges plus naturelles et plus favorables à la biodiversité, tout en réduisant les risques d'inondation pour les riverains. Grâce à ces mesures, plus de 20 km de rives ont ainsi pu être revitalisés.

Une mascotte pour les rivières poissonneuses
Il est difficile de savoir si la loutre demeurera à Genève. Cette espèce mobile et sensible peut néanmoins trouver dans notre canton de nombreux sites poissonneux, favorables à son établissement. De plus, les menaces de destruction ont disparu, car cet animal au tempérament joueur suscite aujourd'hui largement la sympathie. "La présence de la loutre dans une rivière où les poissons ne sont pas menacés ne pose pas de problème aux pêcheurs. Au contraire, cet animal à fort caractère symbolique attire l'attention sur l'importance de la protection des cours d'eau et des poissons" résume en quelques mots Christophe Ebener, président de la commission genevoise de la pêche.
 "Symbole vivant d'une rivière en bonne santé et mascotte de la pêche, la loutre a aujourd'hui toute sa place à Genève… si elle le veut" s'est réjoui M. Luc Barthassat, conseiller d'Etat chargé du département de l'environnement, des transports et de l'agriculture (DETA) lors de sa visite des activités organisées par le Canton à Onex à l'occasion de la Fête de la nature.


Info du Service de la Faune.Un site à découvrir: http://ge.ch/nature/
Photo M Jaussi. Une Loutre dans la Vézère, en Corrèze, cet été.

auteur : Michel Jaussi

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