20.05.2014 par JP
num.240 juillet 2014 p.08
Enquête déchets

 

Vous pratiquez peut-être le tri de vos déchets, mais avez-vous pensé comment procèdent vos commerces ? Versoix Région a mené l’enquête sur la gestion des déchets des enseignes alimentaires versoisiennes.

Epicerie du Pont-Céard

Anabela Mendes, teneuse de l’épicerie du Pont-Céard s’estime chanceuse : « A Versoix, on est assez gâtés. On a tout ce qu’il faut autour de nous. Il suffit d’un peu de volonté. » Des bennes à pet et verre sont en effet situés en face, et le commerce dispose d’un container de déchets ménagers, en échange de 45CHF par mois. Toutefois, Anabela se demande pour quelle raison elle doit payer ce dernier, alors que certaines de ses connaissances d’autres communes ne sont pas dans le même cas. « Au départ, j’utilisais le container de l’allée de l’immeuble. Mais j’ai reçu un courrier de Transvoirie, alors maintenant je paie les frais de container pour les commerçants. »

Mais les bennes du voisinage ne sont pas suffisantes. Alors, les aliments dépassant la date de péremption échappent à la poubelle pour être partagés entre les employés (et les clients qui récupèrent pains rassis et vieux légumes pour leurs poules et lapins), les sacs et emballages plastiques finissent aux déchets ménagers, car il n’y a pas de structure de récupération pour cela. En outre, il n’y a pas de poubelle à carton. C’est donc à l’aide d’un fourgon personnel que les déchets cartonnés sont acheminés tous les vendredis au centre de tri de Lachenal. Ces déplacements hebdomadaires ne gênent pas Anabela Mendes, mais elle redoute devoir les cesser si les places de parking avoisinantes deviennent payantes, auquel cas elle ne pourrait plus laisser son fourgon stationné.

Epicerie de Montfleury

De son côté, Daniel Bussard, un des gérants du supermarché de Grand-Montfleury, dénonce un manque d’infrastructure à la disposition des commerçants. Pour le carton par exemple : s’il bénéficie d’un passe-droit lui permettant d’utiliser la benne à papier en face du magasin (alors qu’en temps usuel, le dépôt de carton dans la benne à papier est passible d’une amende), celui-ci n’est que temporaire. Au terme de cette dérogation, les Bussard devront se déplacer jusqu’au centre de tri de Lachenal, ce qui représente une perte du temps, et surtout, une utilisation d’essence pour y amener leurs ordures.

Concernant les autres déchets, comme la ferraille, le tri est également problématique. En effet, seuls les particuliers peuvent utiliser le centre des Chânats. Les entreprises, même les commerces familiaux de petite taille comme celle des Bussard, n’y ont pas accès. « Je trouve que les commerçants sont laissés de côté. On ne demande pas non plus des privilèges, mais offrez-nous des possibilités ! », demande Daniel Bussard.

Pour lutter contre ces problèmes de gestion des déchets, Daniel Bussard propose plusieurs solutions. Tout d’abord, prendre le problème à la source et demander aux industriels d’envoyer les marchandises non plus dans des cartons, mais dans des caisses en plastique réutilisables. Ensuite, il serait pertinent d’entamer une récupération du plastique d’emballage, qui entoure la grande majorité des produits, et qui est actuellement jeté dans les containers à ordures (rappelons que la combustion du plastique libère des fumées néfastes !). C’est donc du côté des autorités que l’Alimentation Bussard se tourne, espérant que de nouvelles solutions soient mises à leur disposition, sans qu’ils doivent payer davantage.

Migros

A la Migros, on n’obtient pas les réponses avec un simple coup de téléphone. Après avoir été redirigés vers la responsable des relations publiques, Mme Vidon, nous avons enfin obtenu des réponses à nos questions. A l’inverse des épiceries, la grande surface fonctionne de manière autonome et gère ses déchets sans l’aide de la commune. Les camions qui livrent les marchandises en magasins reprennent les emballages vides, ainsi que les retours des clients. Ces déchets, soumis à un premier tri à la Migros de Versoix, sont ensuite acheminés à une centrale de tri propre à l’entreprise. Là, les recyclables sont pris en charge, et les produits chimiques sont traités avec soin. Si ces derniers ne proviennent pas de Migros, ils sont rapatriés aux enseignes où ils ont été acquis. Une grande partie de ces déchets est enfin éliminée à l’usine des Chenevriers à Aïre-la-Ville (c’est dire si vos déchets voyagent !)

Les invendus, quant à eux, sont acheminés en partie vers l’association Partage depuis 2006, qui les redistribue à de nombreuses associations caritatives. On compte parmi eux les produits alimentaires dont la date limite de vente est dépassée, mais dont la date de consommation n’est pas échue. Ces marchandises doivent répondre à des conditions bien précises pour être collectées. Les pains, par exemple, ne sont donnés à Partage que s’ils ont été confectionnés la veille, alors que la viande, les légumes et les produits laitiers doivent être collectés uniquement si le délai entre le jour de la collecte et la date de consommation est supérieur à deux jours. Les aliments ne correspondant pas à ces critères sont éliminés par le biais de diverses entreprises, comme Centravo AG (BE !) qui prend en charge les produits carnés et les poissons.

Une prise en charge autonome pour le géant orange, qui centralise les déchets de tous les magasins genevois. Et l’entreprise ne se garde pas de solliciter ses clients, comme le déclare Mme Vidon : « Au vu de la complexité des enjeux, l’effort doit encore et toujours être porté sur une correcte information des consommateurs. En effet, le domaine des déchets est en constante évolution, tout comme les filières possibles de recyclage et valorisation. Migros, au travers de Génération M, a remis la problématique du tri des déchets et leur recyclage au premier plan de sa communication à l’égard de ses clients. » A savoir encore que la gestion des déchets coûte à la Migros en moyenne 700'000 CHF par année.

Coop

La Coop fait profil d’exemple à suivre, quant à la question du tri de ses déchets. En l’espace d’un mois, le flambant neuf centre commercial a déjà mis en place son système de tri, organisé de façon méticuleuse. Aucun détritus n’erre dans les déchetteries de la région. Mieux encore, elle redistribue certaines de ses denrées aux agriculteurs du coin comme les fruits et le pain, qui serviront de compost ou nourriture destinée aux bétails. Le Pet, carton, plastique ou alu sont minutieusement répartis dans la zone d’arrivage, et sont ensuite récupérés par un camion destination : La Praille, principal lieu de récupération de déchets des Coop genevoises, et ceci chaque jour. Quant aux invendus emballés, ils serviront à produire du gaz, mais le gérant a quelques projets en tête : « Nous venons de nous installer, mais dans un futur proche j’aimerais que ces produits servent à des associations caritatives et aux plus démunis d’entre nous.» assure-t-il.

La maison limite au maximum ses pertes, mais cette organisation a suggéré du temps. Tous les produits présents en Romandie sont transportés par train depuis la centrale de distribution d’Aclens, et fait de ce réseau l’un des plus petits ferroutages au monde (70km). La Coopérative tient beaucoup à ses valeurs et s’est engagée à devenir neutre en carbone d’ici 2023. « Polluez moins, c’est un des objectifs lancé par le groupe et nous l’atteindrons bien avant la date fixée par l’entreprise, j’en suis certain. » lâche le gérant. Un excellent élève, qui a fait de la question environnementale une philosophie et un principe de vie.

Denner

La troisième plus grande entreprise de commerce de détail suisse n’a pu nous recevoir, leur consentement n’ayant pas été octroyé par leur hiérarchie. Le discounter certifie qu’il est dans son intérêt de limiter au maximum les emballages de leurs produits. Ils récupèrent Pet, piles et de petits appareils électriques. Denner est associé à Igora depuis 2010, un projet de recyclage de l’aluminium, auquel Migros et Coop se sont joints également.

Le délégué de communication, Thomas Kaderli, précise la manière dont les déchets romands sont gérés et cela pour toutes les enseignes francophones « Le carton, Pet et plastique repartent avec nos camions et s’acheminent jusqu’à nos centrales de distribution. Tandis que les fruits, légumes et pain disparaissent dans les poubelles incinérables. » nous confie-t-il.

L’enfant de la Migros a esquivé l’interrogation principale sur l’après-vie des denrées alimentaires périmées. Une question mal interprétée ou un choix délibéré ? Il n’en demeure pas moins, que la question environnementale chez le géant orange se clairsème de zone d’ombre difficile à éclairer.

Auteurs : Anouk Pernet et Julien Payot

auteur : Julien Payot

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