De gauche à droite : Ruben Parejo et Antonio Perujo -
De gauche à droite :Enrico Negro, Ignazio Viola, Mario Cosco - Photo B.Siddiqui
De gauche à droite : - Bruno Dias et Guilaume Bouillon - Photo B.Siddiqui
De gauche à droite : Irène Ferrard, élève de l'Ecole Croqu'notes classe de Bruno Dias et Angel Tomas Ripoll, Guillaume Lewis, élèves du Conservatoire de Musique de Genève, classe de Alessio Nebiolo. - Photo B.Siddiqui
20.03.2013 par TM
num.227 avril 2013 p.15
5e édition des Mars de la Guitare

Alors que Mars se cache en pleine clarté des rayons aveuglants du soleil, le mois de mars propose une autre danse et une autre musique, en ce premier rendez-vous des Mars de la Guitare, le festival annuel d'un instrument encore plein de surprises.


Rubén Parejo, guitariste de Valence, nous livrait un véritable spectacle de découverte, avec un début plutôt patient et profond, bougeant lentement les doigts sur son instrument, comme s'il répondait à un appel de l'âme pour émerveiller la salle. Avec des morceaux en hommage à Tàrrega, compositeur et guitariste espagnol éteint il y a un peu plus d'un siècle, en passant aussi par une jolie révérence à sa femme et à son fils. Avec des arrangements spécialement choisis dans cet esprit, on pouvait entendre un jeu allant encore plus loin dans la mélancolie et la profondeur, mais aussi rapide, tumultueux et spectaculaire, pour découvrir une autre Espagne que celle de la plage et des assemblées festives, une Espagne populaire, contrastée et folklorique. D'ailleurs, présentant ses pièces avec humour, Rubén s'est permis d'ironiser sur l'origine italo-argentine de Piazzolla, aussi bon qu'appréciable, mais non encore espagnol ! Piazzolla substitué par plus d'Albéniz encore, après une musique intime et envoûtante, le guitariste était rejoint par Antonio Perujo pour un spectacle à enchanter des foules. Le danseur de flamenco, d'origine andalouse, accompagnait Rubén hors de son registre classique, d'abord par un saut dans un air de fandango endiablé, avant de passer à l'écoute et au dialogue. Répondant en claquettes et en castagnettes au son délicat de la guitare, Antonio est survolté et ce rythme complémentaire achève un duo absolument merveilleux. Puis enfin, après un détour musical par la sublime Mallorca, on se délectait d'un final improvisé et ballotant, intéressant et époustouflant d'un théâtre à deux, qu'on regrette presque de ne l'avoir découvert qu'en passant, tant il laisse de nostalgie.

Le Vivaldi Guitar Trio, c'est d'une part, une combinaison peu ordinaire de trois guitares pour qui l'on compose et revisite la musique; et un ensemble qui va bien au-delà des trois compères Enrico Negro, Ignazio Viola et Mario Cosco, d'autre part. Originaux dans leurs choix musicaux, ils mettent à contribution compositeurs, musicologues et étudiants dans une musique parfois moderne et intense, et qui rappelle, alors, les heures de gloire du grand cinéma ; parfois, aussi, plus populaire, allant fouiller dans les chants et mélodies locales et d'antan ; ou parfois, encore, dans le registre du classique, Vivaldi pour commencer! De l'interprétation fabuleuse de la ressuscitée Maison des Sorcières (Domus de Janas) en avant-première au subtil rat musqué du Piémont (Rat Muscià), en passant par une sublime illustration de quatre humeurs (Four Moods) de S. Rak. Faisant parler joie et tristesse de façon exceptionnelle, le trio sait jouer à la fois comme un seul et comme trois, intensément, puis se démultipliant en voix dissonantes pour un résultat unique. Finissant par Oblivion de Piazzolla à son fils défunt dans un bis demandé par la foule en ce deuxième dimanche de mars, après avoir donné une autre vue de Asturias de Albéniz après Parejo, italienne, cette fois!
Cette articulation subtile entre trois concerts - puisque nos jeunes talents, Guillaume Bouillon et Bruno Dias interprétèrent aussi Oblivion - laisse un écho encore résonnant de ces concerts déconcertants. En prélude au troisième, on aperçoit encore les plus jeunes qui travaillent ardemment et non sans musicalité, parfois très bons dans leurs études, même excellents, et à qui l'on fait passer ce que Brigitte Siddiqui, l'organisatrice en chef, appelle "l'épreuve du feu". Le contraste est saisissant entre l'artiste naissant et le cracheur de flammes aguerri, qui donne déjà une direction mature à son art, même encore immature, car l'âge avançant, on voit plus loin que le talent.
Guillaume Bouillon au violoncelle et Bruno Dias à la guitare forment un duo intéressant. Ainsi, le violoncelle illustre souvent le fleuve calme, glissant ou gelé, tantôt tumultueux, sur lequel la guitare navigue et donne le ton. Ainsi, elle se mue aussi en accompagnement, flottant au gré des notes furtives d'un torrent agité.
On se souviendra surtout de la Catedral de Barrios, par Bruno Diaz en solo, alors bien déterminé sur le caractère qu'il voulait insuffler à son interprétation. L'on se souviendra aussi de Café 1930 de Piazzolla et des chansons populaires de Falla, de sa Vida Breve, permettant une touche d'originalité, quelques cordes de violoncelle grattées et un aperçu de toutes les facettes de cette combinaison plaisante.
Si les jeunes talents n'ont pas encore de disques, les productions de Rubén et du trio de Vivaldi se retrouvent sur CD, en quelques clics sur internet, pour qui ne peut se résoudre à ne pas réécouter, ou à ne pas entendre pour la première fois, ce que ces spectacles mettaient en lumière, en un petit tour de scène, car ils s'en allèrent aussi vite! Les jeunes et le danseur Perujo crèchent encore, et bon leur chante, dans la région. Ils s'y produisent régulièrement, les occasions ne manqueront certainement pas pour une heureuse rencontre, avant que le festival ne se diversifie et ne propose de nouveaux artistes à découvrir au public du printemps prochain.

Salle toujours pleine, on attend avec impatience le dimanche suivant et l'on s'arrache déjà les places pour Alessio Nebiolo et le Quattuor Terpsycordes pour un quintette inédit de clôture.

auteur : Thomas Mazzone

<< retour