24.01.2013 par JJ
num.225 fév. 2013 p.06
Lisons l'avenir dans les nouvelles

Une fois n'est pas coutume, j'avais envie de faire un petit tour de presse de différentes idées ou faits marquants que l'on a pu lire ces derniers temps. Une sorte de tour d'horizon qui permet de brosser un portrait, forcément incomplet je le reconnais, de notre avenir potentiel.

Commençons par le nouveau-monde, souvent en avance d'une décennie sur ce qui nous attend. A New-York, pour faire face à un problème de logement presque du niveau genevois, la ville va proposer des micro-logements à bas prix. Vous pouviez acheter de l'électronique pas chère, des aliments discount, réjouissez-vous, vous pourrez bientôt économiser sur votre appartement ! Mais comme diraient les pontes responsables du Plan Directeur Cantonal 2030 en matière de logement, bien qu'on mette plus de gens dans un espace toujours plus réduit, on va maintenir, voire augmenter la qualité de vie des habitants ! Car c'est bien connu, les êtres humains adorent se retrouver serrés les uns contre les autres, voire enfermés. Il n'y a qu'à voir comme ils se précipitent pour s'entasser dans les trams et les trains le matin. Bref, on rêve d'une importation du concept chez nous, et je me réjouis d'entendre les huiles de l'aménagement du canton nous présenter cette belle innovation avec la même langue de bois que la dernière présentation à laquelle j'ai pu assister.

Il est intéressant de lier cette question à celles de deux initiatives, une en cours de récolte de signatures, sur le revenu de base universel et l'autre sur laquelle nous voterons en mars, l'initiative contre les rémunérations abusives. Le message que j'en tire, c'est que la population en a un peu marre de se faire plumer, et à juste titre. Les inégalités sociales ne cessent de grandir (selon l'OCDE, elles sont les plus graves depuis 25 ans), y compris dans notre sonderfall helvétique, n'en déplaise à certains. Aujourd'hui, des gens sont obligés de vivre dans des petits appartements qu'ils payent pourtant chers, alors que d'autres en sont à se questionner sur les options de leur 3ème voiture de luxe pour emmener le petit dernier à son cours d'économie pour juniors. Demain, les jeunes moins fortunés vivront dans des micro-logements à la New-Yorkaise pendant que les 1% les plus riches dépenseront en une soirée le revenu annuel de ces pauvres diables à l'allure misérable. Cet écart de richesse, qui s'accentue, nous ramène à des temps de moins en moins démocratiques. Quelle différence entre un César qui achète ses clients pour les élections au consulat, et des lobbies qui dépensent des millions pour “éduquer” le citoyen ou nos parlementaires sur des objets soi-disant trop complexes.

La campagne de 8 millions d'Economie-Suisse pour tenter de convaincre la population de voter contre l'initiative contre les rémunérations abusives en est un bon exemple lorsque l'on sait que tous les partis confondus (hors UDC qui profite de donateurs fortunés) ont dépensé environ la même somme pour la campagne des élections fédérales de 2011.

Je terminerai ce bref tour d'horizon par le forum de Davos, qui a choisi comme thème le “dynamisme résilient”, ce qui en français est assez inquiétant, puisque résilient s'emploie en mécanique pour désigner une résistance aux chocs. En clair, après avoir ressassé la doctrine de la croissance, qui montre ses limites et ne peut pas marcher à long terme ; après avoir poussé les employés à être de plus en plus flexibles pour maximiser les profits des entreprises, et surtout ceux des managers et des actionnaires ; après avoir poussé l'économie dans un cercle vicieux de destruction des emplois par la faute d'une finance devenue inutile et néfaste, il faut maintenant se préparer à être dynamique mais résilient ; autrement dit avancer quand on prend des coups et tâcher de survivre dans les moments difficiles qui ne manqueront pas de se présenter puisque nous n'avons rien changé à la façon de faire fonctionner notre économie.

Voici le futur que nous peignent les dirigeants de la finance mondiale, du FMI et d'autres institutions. Les discours rassurants de ces derniers temps ne sont que de la poudre aux yeux, car tout ce qui a été fait depuis le début de cette crise, c'est de transférer des dettes et des risques du secteur privé au secteur public. Tout ceci est évidemment destiné à permettre aux passagers de première classe du Titanic d'embarquer dans les quelques canots de sauvetage avant le naufrage ; pour les autres, soyez résilients, les prochains chocs ne vont pas tarder !

auteur : Jérémy Jaussi

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