10.11.2012 par LR
num.224 déc. 2012 p.14
Conte de Noël : Le chat qui aimait la souris

Depuis que le monde existe, il est indéniable que dans la nature, le chat traque et mange les souris et les souris narguent et se jouent des chats. Mais voilà qu’à toute règle, il y a une exception.
En ces temps d’hiver et d’un mois de décembre particulièrement froid et venteux, Noël ne s’annoncait guère sous les meilleurs auspices. Plus question pour les animaux de mettre le nez dehors. Sachant que les chats et les souris sont tous les deux indépendants et espiègles dans leur comportement, on ne s'étonnait pas  qu’un jour ou l’autre, le hasard fit qu’ils se rencontrèrent. Rien d’étonnant à cela, si ce n’est qu’on était en plein hiver et que les champs étaient couverts de neige.
Mais voilà, dans les fermes du Grand Nord, on essayait de ne pas trop s’ignorer entre voisins au temps de Noël. A part en été, personne ne se rencontrait. Cette année, les habitants de notre ferme se dirent qu’on pourrait tendre la main aux plus proches et passer la veillée ensemble. Ces belles paroles ne tombèrent pas dans les oreilles de sourds de nos animaux. Déjà, ils échafaudaient maintes idées pour célébrer la fête ensemble. Non seulement il y avait chat et souris mais encore poules, lapins, oies, cheval, caribou, chien et coq.

Le 24 décembre arriva. La nuit était claire, la lune brillait de tout son éclat, rendant la neige encore plus étincelante et la plaine scintillait de mille cristaux. Pas d’église à l’horizon, mais chaque famille avait à cœur de joindre à la fête un moment de prière où pardon, reconnaissance, joie et souhaits d’avenir heureux étaient entremêlés. Les enfants chantaient, les amis se retrouvaient et la personne la plus âgée donnait sa bénédiction. Puis autour du sapin illuminé et du feu de la cheminée, distribution de cadeaux, repas festif et discussions animées se prolongèrent tard dans la nuit.

C’est ainsi que lorsque les gens de la ferme s’en allèrent, le coq se mit à lancer son cocorico, signe de ralliement. Rendez-vous dans le hangar où se dressaient quelques bottes de paille. Le cheval n’était pas loin et avait préparé un emplacement agréable pour se réunir. Le maître de cérémonie n’était autre que le chat, aussi vieux dans la maison que les propriétaires. Chacun avait son rôle, et la souris n’avait pas manqué de prendre garde à ce que tout le monde fût présent. Pas de cadeaux à première vue, seulement l’assurance de trouver une idée originale.
Les uns apportèrent des graines, d’autres du foin, le chien un os, le caribou une peau d’ours pour s’asseoir, le coq sa plus belle plume et le chat une grande jatte de lait. Une poule pondit quelques œufs, et la souris ajouta une meule de fromage. C’était la fête et personne ne devait être oublié et tous avaient la joie d’être ensemble.
Pourtant une poule noire se tenait dans le coin le plus sombre de la grange. Couchée sur son nid de fortune, on l’avait un peu négligée. Puisqu’elle ne dit rien, laissons-là dans son coin ! Mais la souris veillait, elle furetait partout, avait l’œil sur tout l’événement. Elle pressentait quelque chose.

Le chat se leva, demanda le silence et commença son discours : - Chers amis, nous n’avons pas grand-chose en commun, souvent l’on s’ignore ou piaillons à notre manière. Parfois une certaine animosité règne parmi nous, surtout par les grands froids, les bourrasques de neige trop violentes, nos maîtres de mauvaise humeur, et que le travail est urgent et très intense. Je décide qu’on essaie de s’entendre et de s’entraider quand nos maîtres seront trop âgés pour continuer leur travail et entretenir la ferme. Chacun aura une mission à remplir et cela dès l’an prochain. Etes-vous d’accord ?
Après concertation, échange de propos, réflexion, tous les animaux approuvèrent l’idée. La souris dans son coin, hésitait, préférant son aise et sa liberté.
Soudain, elle entendit un gloussement et courut vers la poule noire. Un petit cri plaintif et un ravissant poussin blanc naquit, sortant de sa coquille, un petit cœur rose sur son dos. La souris subjuguée n’en revenait pas et s’inquiéta de la poule qui gémissait. Il y avait du travail en vue. Suspense ! La souris alerta le chat. Le chat informa les autres animaux qui ne croyaient pas trop à cet événement. La souris couratait partout, les pressant de venir voir ce nouvel arrivé. Entre-temps, la poule avait pondu un bel œuf d’or qui brillait de mille feux. Un œuf si gros, qu’il éblouissait les yeux de chacun et illuminait la grange d’un éclat particulier. A peine voyait-on le poussin ! C’est alors que la souris se mit à fredonner une berceuse, puis incita tous les animaux à pousser des hourrah de félicitations, à s’unir en chœur pour chanter les plus beaux hymnes de Noël, ce qui donna un concert assez original. La souris se blottit près du poussin pour ne pas l’effrayer et le réchauffer un peu. Le coq, tout fier, prit ses allures de chef patrimonial et poussa de vibrants cocoricos. Le chat s’inclina devant la poule et lui mit sa patte en guise de protection. Voyant la douceur de la souris qui maternait le petit poussin et veillait sur la poule et sur l’œuf d’or, le chat se prit à l’aimer. Du coup, il lui confia la mission de toujours veiller sur le poussin, la poule et l’œuf et d’être la gardienne de la maison. Bel hommage pour la souris qui lui promit de ne plus venir l’embêter ni lui jouer de mauvais tours.

Promesses rendues pour le chat, qui invita tout le monde à festoyer et à rendre cette veillée pleine de bonheur. Par la fenêtre, un ange passa, sourit et vit que tout était bien.
Quand les propriétaires revinrent à la ferme aux premières lueurs de l’aube, tous les animaux avaient repris leur place, comme si de rien n’était. La souris dormit près du chat, queues et pattes liées, et dès ce jour, devinrent les meilleurs amis du monde. Et depuis ce jour aussi, dans la nuit froide du Grand Nord, une magnifique étoile brilla sur la ferme chaque année à Noël.   
 

auteur : Lucette Robyr

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