12.04.2012 par TM
num.218 mai 2012 p.10
Pour que la finance se démocratise (deuxième partie)

Préambule: démocratie, banques et errata

Oui, une erreur d'abord, dans le numéro et le volet précédents, par un mauvais tour, une ébauche s'est ingérée à la place de l'article qui était prévu. Le propos et la qualité du texte s'en trouvant considérablement entamés, il est recommandé d'aller voir la bonne version de l'article sur versoix-region.ch1. Par souci de compréhension et de cohérence globale, ce détour vous est particulièrement conseillé, fut-ce-t-il votre coup d'essai.

Ainsi donc, on s'intéressait plutôt à l'envers du décor financier qu'on n'en faisait l'anatomie2, ce concept s'appliquant même plus au présent article qu'au précédent, car l'une des attractions ici proposées est un décorticage des chiffres.
D'abord, et c'est important, clarifions les enjeux de cette deuxième partie. Outre le tableau qui résume une autre manière de percevoir les finances, on cherche à comprendre pourquoi il peut être bon pour le fonctionnement démocratique de s'intéresser au trésor et pourquoi sa gestion gagnerait à se clarifier.
A cet effet, une petite mise à niveau sur la démocratie et les banques s'impose.
La banque, d'abord, est la chasse-gardée de votre argent, du moins selon la conception populaire. Depuis longtemps pourtant, vos avoirs ne sont que des chiffres dans un ordinateur et si ceux-là étaient retirés tous à la fois, ils mettraient l'établissement en déroute. Alors, pour justifier les tours de passe-passe successifs qui ont mené à ce stade, on a progressivement complexifié le système. Il était plus convenable que les gens n'y comprissent que peu de choses.3 Malheureusement, tout ce qui à trait à l'argent est contaminé par ce vice, c'est ainsi que les finances communales sont devenues si difficiles à déchiffrer.
Bien sûr, vous vous doutez qu'avec autant de secret, on se situe aux antipodes de la démocratie, un terme qui signifie "pouvoir au peuple". En effet, que le peuple puisse se tromper, c'est un des risques d'une telle idéologie, mais quand on fait en sorte qu'il soit dans le flou, il ne se trompe pas, il est trompé. Il est clair que si les puissances d'argent entravent la démocratie, celle-ci est également coupable d'elle-même, du nouveau sens qu'elle s'est donnée. Elle n'est à la base qu'un idéal dont on chercherait à se rapprocher et non un système politique distinct.4

 

Pour un retour vers le concret
Il faut donc comprendre, comme l'argent est le nerf de la guerre, qu'il n'y a pas de politique démocrate sans finances démocratisées ou plutôt, popularisées. Un premier pas dans cette direction est sans doute le tableau. Si on avait vu dans l'envers du décor2 qu'environ 30% du budget financent les employés, on expose ici comment leur travail est réparti et comment l'ensemble des ressources est organisé.
Au final, il ressort de cet étripage des comptes un message assez simple, comme si on avait pu lire dans leurs entrailles à la façon d'un oracle. Bien sûr, il ne s'agit que d'approximations, mais la méthodologie utilisée garantit un certain niveau de pertinence.5
Un tel tableau, s'il avait été disponible au moment des différents votes, aurait sans doute changé l'issue de certaines délibérations. En effet, s'il est difficile de modifier la répartition, il est néanmoins possible, en connaissant les montants spécifiques respectifs, d'organiser chaque secteur de façon légèrement ou complètement différente. D'ailleurs, le tableau complet, un fichier Excel et un calculateur personnalisé sont disponibles sur versoix-region.ch4.

Quelques révélations numérologiques
Oui, on peut dire que l'étude des documents financiers est révélatrice. Par exemple, et en essayant de ne pas se faire intrusif, on peut en déduire que les employés de la Commune coûtent en moyenne 10'000 francs par mois, ramenés à un salaire effectif - après le versement de différentes primes: retraite, maladie… - de 7'500 à 8'000 francs selon l'ancienneté. En outre, d'après un calcul plus savant, leurs chefs de service gagneraient 50% à 70% de plus (cf. article CM). Etant donné le coût actuel de la vie, le fait qu'il est de plus en plus difficile de se loger durablement, tous les droits fondamentaux se retrouvent souvent confisqués par les acteurs financiers et seul un salaire approprié permet de revaloriser le travail fourni à un juste niveau. Il donc bon que Versoix perpétue cette pratique cantonale, mais on déplore qu'on n'ose pas aborder ce point plus souvent, comme si on avait peur que les payeurs d'impôts se montrent mécontents. L'état a pourtant une attitude digne et exemplaire qu'il devrait promouvoir plutôt que d'émettre un semblant de gêne.
Seulement, si la Commune fait preuve de d'équité dans sa politique salariale, il est d'autant plus approprié de rappeler que les élus et les employés communaux sont au service des citoyens et non l'inverse. Il y a parfois un sentiment excessivement redevable qui s'installe chez certains vis-à-vis des institutions. Or, l'idéal du pouvoir au peuple impose que celui-ci exerce un certain contrôle et qu'il sanctionne par le vote une politique qui ne lui conviendrait pas, sans quoi son vote n'aurait pas plus de valeur qu'une abstention, une façon de se soumettre volontairement au dictat de ceux qui s'intéressent. Le vote blanc aurait là une valeur symbolique beaucoup plus forte!
Pour accentuer cette philosophie, la numérologie nous révèle que le centime additionnel se situera entre 450'000 et 480'000 francs ces prochaines années. Pour quelqu'un qui payerait 10'000 francs d'impôts, cela représente moins de 80 francs d'économie, soit trois modestes repas au restaurant par année. D'un autre côté, l'avant-dernière baisse de l'impôt communal a pesé environ deux millions de francs sur cinq ans. Il est vrai que les finances se portent bien, mais en reprenant l'exemple qui amuse et qui fâche, le plus facile et le plus connu, le VRAC aurait pu être entièrement financé par cette somme. De surcroît, il est toujours plus facile de diminuer les impôts que de proposer une augmentation ensuite, surtout que, selon les dires de M. Lavanchy, la dernière "fuite de capitaux" avait réduit nos recettes de près de cinq millions de francs. Cet inconnu fortuné payait environ 100'000 francs par centime additionnel. Cette baisse qui n'a pas fait rester cette personne a pourtant pesé fort sur la balance communale, alors qu'elle n'a que très légèrement soulagé la majorité des contribuables.

Solidarité et avenir
Par ailleurs, s'interroger la prochaine fois qu'on nous suggérera une baisse d'impôt va bientôt prendre un sens encore plus important, mais voyez vous-mêmes!
La pièce manquante du puzzle s'appelle "solidarité". Les 0.3 centimes additionnels alloués à l'aide au développement ne représenteront qu'à peine 138'000 francs en 2012. Ce n'est pas très solidaire, pourrait-on penser, et il est vrai que la justice n'est pas forcément le propre de la démocratie, mais le partage est importante pour un certain ordre social et pour qu'une société prospère. Alors, et ce n'est souvent pas perçu comme tel, le monde de libre échange dans lequel nous vivons est réglé par un certain nombre de mesures solidaires. Un contresens, penserez-vous certainement. Eh bien, prenons l'exemple des retraites, qui moyennant quelques détails de forme, sont payées par ceux qui travaillent pour ceux qui ont travaillé. Ceci devrait déjà pousser à la réflexion, mais ce n'est pas tout: si l'on range l'administration, les routes, le traitement des déchets et la sécurité dans la catégorie du "vital", il reste 55% du budget qui constituent un véritable fond solidaire. Certes, il ne faut peut-être pas voir cette notion sous un sens trop strict, mais seuls les 533 francs par tranche de 10'000 francs d'impôt qu'on alloue aux jeunes constituent déjà une participation collective, un don indirect. D'une part, cela permet de constater qu'une baisse du centime additionnel pourrait finir par peser sur ceux qui en ont le plus besoin, et d'autre part, de reconsidérer l'éternel clivage "communisme contre capitalisme".
Dans un même ordre d'idée, on peut trouver curieux que Versoix ait une partie de son emprunt chez Dexia. Bien sûr, aucune autre banque ne proposait un taux d'intérêt plus bas, mais la BCGe, qui a une fonction plus éthique qu'un organe entièrement au service de puissances d'argent, ne pouvait-elle pas faire une meilleure offre? Entre la Commune, les Cantons et la Confédération, ne pourrait-on pas trouver un mode de fonctionnent qui évite de telles dérives? Et cela, d'autant plus que le canton subventionne en partie le remboursement des intérêts de la dette versoisienne.(1)
Enfin, si les finances sont bonnes et si la politique ultra-économe de M. Malek-Asghar n'est pas uniquement de son fait- il semble par ailleurs ouvert à toute amélioration -, mais provient d'une directive cantonale de désendettement, on peut tout de même chercher à creuser, à optimiser, à réfléchir à des idées novatrices et à développer des nouvelles particularités locales, qui pourraient même servir d'exemple (comme la motion solaire ou le label "Cité de l'Energie", lequel a d'ailleurs revu ses exigences à la hausse). Pour tout cela, il est indispensable d'avoir une vision claire de l'état des coffres.

1http://www.versoix-region.ch/index.php?page=150&obj=1522 2La première version s'appelait "Au coeur des finances…", l'autre, "L'envers du décor…" 3Versoix-Région 212, "Une introduction à l'économie" 4Liens sur le site: …/index.php?page=150&obj=1653 5Déduction des revenus liés à l'activité, répartition des coûts selon informations et uniformément pour le reste.

 

 

Note 4:

Lien 1, conférence d'Etienne Chouard en compagnie de l'économiste suisse et ex-Versoisienne Myret Zaki sur la démocratie et l'économie:

youtu.be/TLjq25_ayWM

Lien 2, site internet d'Etienne Chouard, une mine démocratique:

etienne.chouard.free.fr/

Liens 3, "Blythe Masters", Pierre Jovanovic et "Le retour au standard or", Antal Fekete:

http://jovanovic.com/QCouve/blythe-masters.jpg

www.dailymotion.com/video/xn328g_entretien-avec-pierre-jovanovic-sur-antal-fekete_news

 

 

Tableau:

www.versoix-region.ch/pxo305/pxo_content/medias/2696_origin.png

Graphique:

 www.versoix-region.ch/pxo305/pxo_content/medias/2697_origin.png

Calculateur de répartition de vos impôts:

tmazzone.freehostingcloud.com/tax/

Tableau pour l'article n°1 (version en ligne) en haute résolution:

www.versoix-region.ch/pxo305/pxo_content/medias/2599_origin.png

Le premier article (version finale substituée par erreur):

tinyurl.com/c6fvss2

 

auteur : Thomas Mazzone

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