25.03.2012 par ro
num.217 avril 2012 p.01
Des mousses et des murs

Les murs recèlent de trésors. Ils abritent une multitude de plantes et d’animaux : mousses, lichens, champignons, plantes à fleurs, fougères, reptiles, insectes, mollusques et autres invertébrés, y trouvent refuge. Les murs villageois et citadins n’ont rien à envier à leurs semblables campagnards. Ils constituent un élément paysager agréable et jouent un rôle important dans l’écosystème urbain.
Le mur humide qui longe la rampe de la Treille à Genève, a ainsi reçu en 2010 le premier prix du concours national «Murs urbains et biodiversité» organisé par la Swiss Systematics Society, avec 149 espèces de plantes et animaux.

Chaque commune de la rive droite du canton de Genève abrite un petit coin de paradis pour les organismes des murs. En vous promenant dans la rue du Village à Genthod, en flânant dans les alentours de Port Choiseul, ou en frôlant les verts remparts de l’abrupte et sauvage chemin des Chèvres à Chambésy, vous passez à côté de mousses menacées et rares en Suisse !

Les anfractuosités et la rugosité des murs, sont l’un des points déterminants qui favorisent l’installation d’une faune et d’une flore importante. Les murs de pierres, à mortier calcaire, sont donc particulièrement intéressants, car en vieillissant, un tel mortier laisse des micro-espaces où la faune et la flore peuvent s’installer. Ces habitats disparaissent aujourd’hui au profit des surfaces lisses, « propres » et modernes. Les réfections, ravalement des murs et « nettoyages », contribuent à appauvrir la faune et la flore urbaine. Plusieurs espèces de mousses des murs sont ainsi menacées en Suisse. Pourtant, ni les mousses, ni les lichens, ne détériorent les murs. De plus, l’utilisation de techniques et de matériaux inappropriés peut accélérer la détérioration d’un mur.

Focalisons notre regard sur les murs secs et tentons une petite expérience. Ces murs sont un habitat de prédilection pour les mousses qui aiment la chaleur et le soleil. Pour résister aux conditions climatiques extrêmes de leur milieu, elles forment souvent des coussinets argentés, à l’image des plantes alpines.
Dans les périodes sèches, elles se déshydratent et entrent en dormance, mais une once d’humidité suffit à les ressusciter. Tentez l’expérience : donnez une goutte d’eau à une mousse sèche et brune. Surprise ! Elle reprend sa couleur verte et déploie ses feuilles à une vitesse incroyable, afin d’effectuer la photosynthèse qui lui fournira les sucres nécessaires à sa vie. Certaines mousses peuvent ainsi refaire de la photosynthèse après être restées une trentaine d’années au sec et dans l’obscurité d’un herbier.

La prochaine fois que vous regarderez un vieux mur grisonnant de mousses, il se pourrait bien que vous soyez nez à nez avec Grimmia crinita ou Crossidium squamiferum, toutes deux menacées en Suisse ! Troquez donc, en leur honneur, votre jet haute pression et votre brosse, contre une pointe de curiosité naturaliste!

Hélène Hinden

Légende pour les photos :
1. Un coussinet de mousses à l’état sec.
2. Le même coussinet à l’état humide.
3. Sur un mur de ce genre (Genthod)

auteur : rédacteur occasionnel

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