23.09.2011 par TM
num.212 oct. 2011 p.10
Une introduction à l'économie

Comprendre la problématique du franc fort

Ces derniers mois on a assisté à la danse de l’euro et du franc suisse, oscillant entre 1.02 et 1.22 (pour le rapport Euro/CHF).Ainsi, les autorités et nos éminents banquiers ont pris des mesures contre le franc fort, qui disaient-ils, minaient les exportations de notre pays.  Mais qu’en est-il réellement ?

Que faire en tant que simple citoyen, alors qu’on parle de milliards de francs suisses? L’économie vous semble-t-elle une science étrange ? Rassurez-vous, on en sait souvent moins qu’on veut bien l’avouer!

L’économie pour les nuls

Volet 1 : l’argent

Les premières monnaies d’échange avaient une valeur propre. Comme les métaux précieux (l’or, l’argent ou encore le bronze) ne se dégradent pas et possèdent une grande valeur pour un poids raisonnable, ils constituèrent le moyen de payement le plus largement répandu.
Puis on inventa les coupons, précurseur du billet de banque, que la population adopta très rapidement pour des raisons d’ordre pratique. C’est, par ailleurs, très tôt que les banques commencèrent à émettre plus de coupons que d’or stocké dans leurs coffres, tout en restant le plus discrètes possibles sur le fait et ses raisons, on imagine aisément pourquoi.
Puis, l’on convainquit les populations les unes après les autres que l’argent ne devait plus dépendre du cours de l’or, lui laissant ainsi comme seule valeur, la confiance que les gens luis accordaient: si une monnaie est beaucoup utilisée, elle aura tendance à valoir plus.

Volet 2 : la banque nationale ou l’argent-dette

La BNS a le droit de produire autant de cet argent «de confiance» qu’elle le souhaite du moment qu’elle équilibre ses comptes. Ainsi, pour chaque somme qu’elle émet, elle puise dans un fond infini qu’elle se doit de rembourser, écrivant d’une part son emprunt, et d’autre part son prêt. Le taux d’intérêt pratiqué correspond au service rendu. On appelle la monnaie issue de ce système l’argent-dette.

La banque nationale est une société anonyme et ses actionnaires sont des privés. Si l’Etat (en vertu des statuts et du droit qu’il lui délègue de battre monnaie) a son mot à dire, le degré de liberté est souvent plus grand qu’il n’y parait; et ce n’est pas à nos magistrats qu’incombent les décisions.

Volet 3 : import-export

Il y a quelques mois, la suisse s’est trouvée face au problème suivant: le franc suisse, face à la déchéance du dollar et de l’euro, a été érigé en véritable valeur refuge.
Du fait de la demande toujours croissante, la rareté du franc suisse l’a vu résister à la dévaluation qui a touché le dollar. Par conséquent, les produits suisses, cotés en CHF, se sont retrouvés trop chers par rapport au marché, minant les exportations.

Précisons tout de même que la Suisse exporte en moyenne 7% plus par année, qu’elle n’importe: une «boni» modeste pour envisager une telle action d’envergure.

Toutefois, la confédération et les cadres de la BNS ont convenu d’un seuil plancher pour le taux de change EUR/CHF. Elle a donc acheté des euros à taux désavantageux avec de l’argent fraichement émis pour assurer une surabondance de francs, par rapport au volume d’échange.

En pratique :

Après cette introduction en trois volets, passons à l’aspect pratique, car la décision de la BNS n’a rien d’un «David qui gagne contre Goliath», comme l’ont prétendu certains spécialistes, c’est tout au mieux un troc de dernière minute pour se faire une place sur un Titanic destiné à couler; et le terme est si à propos qu’il en mérite la redondance sur son sort.

Tout d’abord, l’action de la BNS n’a pas ébranlé de géant, puisque cette démarche s’est effectuée sans que quiconque ne bronche. Quand on sait qu’une certaine puissance économique est capable d’engager des avocats ou de partir en guerre pour sauver leurs places financières, on peut être sceptique quant au fait que cette action ait dérangé beaucoup de monde.

Ensuite, acheter en masse une devise en chute libre, ça génère des pertes et certains économistes lucides on déjà dénoncé cet aspect. Pire encore, la BNS aurait déjà perdu bien plus que ce qu’elle à sauvé de nos 7%! A ce rythme là, autant imprimer directement de l’argent et le donner à ceux qui ont subi un manque à gagner dû à la force du franc.

D’autre part, il y a quelques années, la BNS a commis une erreur en vendant une bonne partie de son or. Il suffit de regarder le cours actuel du métal jaune pour le constater.
Outre l’aspect uniquement mathématique de cette transaction à perte, pour un pays où le secteur bancaire représente environ 15% de l’activité économique et jouissant d’une stabilité qui plait aux clients, avoir autre chose que du papier dans ses coffres, c’est un argument de taille.

La force du franc et l’émission facilitée de monnaie supplémentaire aurait aussi pu servir à racheter ladite erreur: en se dotant d’or additionnel, plutôt que de prêter aux autres banques privées pour qu’elles spéculent (occasionnant de nouvelles pertes tant la conjoncture est défavorable).
Ainsi, certains économistes étrangers se sont même demandés si cette démarche absurde ne cacherait pas un autre problème de fond, comme celui des évadés fiscaux américains (disons le tout de même), ou bien encore des pertes à combler chez UBS et le CS.

Et puis, le monde est en crise: la Suisse de fera pas exception; ses exportations décroitront avec la demande. Sera alors riche, qui possède des matières premières. C’est encore une autre raison d’acquérir le plus d’or possible. Certains, comme Hugo Chavez, l’ont compris: sentant la menace venir, a demandé le rapatriement de tout l’or vénézuélien, car l’or «physique» commence déjà à se distinguer sensiblement de sa cote boursière. Cette démarche risque toutefois d’aggraver ses relations diplomatiques avec les Etats-Unis.

Alors, quitte à sacrifier une partie de nos exportations, il semble essentiel et même urgent de se prémunir contre la montée du prix des matériaux et des aliments; ou plutôt, devrait-on parler de dévaluation du dollar, qui, entrainant l’euro dans sa chute, finira par nous assommer tant que nous recourons à des mesures comme celle-là. A ce propos, le financier suisse de renom Marc Faber a affirmé que le franc ne valait désormais plus rien.

Comment agir à notre niveau ?

Le bon point dans tout ça, c’est qu’on est pas obligé de se lamenter. Les élections nationales s’approchent, à nous de bien choisir.
Une autre action simple consiste à acheter des produits suisses à chaque fois que c’est possible, afin de stimuler la production locale, qui fait encore défaut par rapport aux besoins de la population.

Finalement, pour préserver ses biens, voire s’enrichir pendant la chute qui s’annonce -Il suffit, pour s’en convaincre, de regarder l’effet toujours décroissant des mesures de plus en plus drastiques imposées en Europe! - tant que le franc cabotera sur la même barque que l’euro, il serait judicieux de garder le moins d’argent possible à la banque. Achetez de l’or (mais pas en coupon), de l’argent, du terrain, de l’immobilier…
Il est, par exemple, intéressant de constater le pris attrayant des parcelles à l’étranger, notamment en Allemagne!

Ne vous hasardez pas non plus à des conclusions trop hâtives quant aux baisses occasionnelles de l’or.

Il remontera, sans compter que celles-ci n’ont que peu d’impact sur l’or réel. Alors allez-y, jetez vous sur les Napoléons, les Vreneli et autres lingots, car après, il ne restera plus rien !

auteur : Thomas Mazzone

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